Développement agricole à Verrettes. Artibonite.

(actualisé le ) par Gérard

Développement agricole Verrettes. (Comité ADAV).
Avec la Fédération Enfants-Soleil.

Bien sûr, il y a plusieurs visites aux paysans de nos jardins communautaires, chaque année, d’abord parce que les liens sont anciens, (le projet date de 2002) ensuite, parce que c’est un vrai plaisir que cette campagne de l’Artibonite, quand il y a des pompes pour irriguer, et que des communautés, jadis en dessous du seuil de pauvreté, peuvent désormais travailler, sont reconnues, peuvent vivre décemment, et gèrent bien leurs affaires, avec sérieux et compétence. De là à dire que tout marche idéalement, ce serait beaucoup. Nos visites servent également à faire le point et à un suivi, régulier depuis 10 ans. Il y a aussi, toujours, des projets qu’il faut analyser quand à la faisabilité et aux finances. Les paysans ont cependant des possibilités d’agrandir un peu les surfaces cultivées. Les locations se font en septembre, au début de la saison sèche.
Cette année, les récoltes de pois (haricots) qui représentent une bonne part (1/3) des revenus des paysans ont été mauvaises.

Deux tas de haricots. Le premier à écosse, tout juste récolté, le second constitué des fannes qui iront au compost.
Elles se déroulent actuellement, et les cultivateurs n’espèrent guère plus de la moitié des récoltes de l’an dernier.
La raison principale : toujours les caprices du temps. Des fortes pluies sont survenues juste au moment de la floraison, endommageant les fleurs. Personne n’y peut rien, et c’est ainsi dans une grande partie de l’Artibonite. (A Mirault, dans les autres jardins communautaires, il en est de même.)
Haricots à écosser. La récolte sera maigre. Les grains sont petits et les gousses peu nombreuses. A cause de la pluie durant la floraison.
Les récoltes de maïs, par contre ont été correctes, ce qui compense un peu. Le problème du maïs est qu’il faut beaucoup d’engrais : faire trois récoltes par an, c’est bien pour les revenus, mais cela épuise les terres. C’est un cercle vicieux. Malgré le compost, que les paysans utilisent désormais régulièrement, il faut ajouter des engrais achetés, le plus souvent importés, et qui sont cher. Les paysans en mettent donc peu, mais cela se sent au niveau des récoltes.
Le riz, le dernier tiers des revenus, a bien donné. 450 € par famille, de bénéfice, environ. Mais les paysans n’ont pas les moyens de décortiquer eux-mêmes leur riz. Il faut donc s’adresser à un moulin.
Le principe des moulins est le suivant : les propriétaires des moulins achètent le riz non décortiqué, complètent le séchage, car ils ont des dalles de béton ciré, qui sont indispensables pour les grandes quantités. Ils le revendent ensuite, avec un profit intéressant, aux grossistes. C’est donc la fin de la filière qui fait les plus intéressants bénéfices, d’autant qu’ils ont les moyens de spéculer en attendant que les prix montent.
Les paysans sont toujours exploités au niveau de leurs ventes. Les Dames Sarah, femmes grossistes, viennent de la capitale, en bus, achètent les récoltes à très bas prix, et s’en retournent directement à la capitale où elles ravitaillent les petites vendeuses. Un produit acheté 5 gourdes, peut être revendu au marché plus de dix fois ce prix. Une mangue durant la saison peut être achetée une demi-gourde et revendue 20 gourdes sur le marché. Beaucoup de paysans abandonnent ainsi des cultures, faute de pouvoir en vivre. Ce qui leur manque, ce sont les moyens d’acheminer eux-mêmes leurs marchandises vers les lieux de consommation ou les moyens de stocker ou de transformer.
Cette année, on pourra compter en tout 1600 € ou 1700 € par famille au lieu de 2200 si toutes les récoltes sont bonnes. Bien sûr il faut ajouter les petits revenus de la pépinière et des petits élevages de cabris ou poules, mais faute d’espace, les paysans en ont très peu. D’autant que les animaux qui divaguent font beaucoup de dégâts. Ces produits ne sont pas vendus, mais en cas de surplus, sont échangés contre d’autres produits de nécessité courante. Ces revenus sont encore très largement au-dessus de tous las autres paysans.
Un autre petit revenu est celui de la location des pompes et du motoculteur. Mais cette année, les pompes n’ont presque pas été louées, la saison sèche est très longue, et l’eau de pompage dans l’Artibonite est rationnée par les autorités. C’est une mesure nécessaire, car l’eau est très basse. Les zones sont divisées par secteurs : les paysans d’une zone peuvent irriguer un jour, ceux d’une autre zone un autre jour. Cette organisation permet à tous de s’en sortir et évite l’anarchie : les plus gros pompaient, avant, sans mesure, et les plus petits paysans, ceux qui ont les terres les plus éloignées des canaux, n’avaient plus rien et perdaient toute leur récolte. Il y a le fleuve, et en parallèle un grand canal secondaire, lui-même complété par des petits canaux secondaires qui permettent d’irriguer de nombreux hectares de terres. Bien que très anciens, ces réseaux sont encore très efficaces et peuvent être contrôlés.

La pompe offerte par le gouvernement haïtien. Un complément intéressant aux moyens des paysans.
Cette année, les paysans de Verrettes, dont l’organisation, qui a maintenant plus de 10 ans, est reconnue auprès du Ministère de l’Agriculture, ont reçu pour la première fois une pompe du gouvernement haïtien… c’est en même temps un signe de reconnaissance pour leur travail, et un plus appréciable pour leurs activités. C’est une pompe diesel , 4 pouces, livrée en novembre 2013, qui est de moins bonne qualité que celles qui ont été fournies par Enfants-Soleil, mais , dans l’ensemble, c’est positif. (Il y a eu quelques ennuis et quelques petites réparations à faire). Les restrictions ont fait, que chacun arrosant moins, les pompes ont moins servi, elles été moins louées et donc ont moins rapporté.
Pour le motoculteur, qui peut travailler dans la boue, au moment de la préparation des rizières, la location a été identique à l’habitude, pour les paysans hors comité dont les terres se situent près de celles du comité. Il y a une très bonne entente entre les paysans, et cela se passe très bien. Il faut cependant modérer les locations, c’est-à-dire les heures de travail du motoculteur, pour l’économiser. Les réparations sont chères, les pièces assez difficiles à trouver, même s’il a été acheté dans la région.

Une fois les pois arrachés, les plantations de maïs commenceront. (Avec d’autres plantes comme les calalous, les autres petites plantes vivrières). C’est la saison des pluies qui va commencer, et chacun l’attend avec impatience en souhaitant qu’elles soient régulières et pas trop fortes.
Plus tard, en juillet, ce sera le riz. Avec toujours les risques de grandes pluies tropicales qui font de temps en temps des ravages, avec les pluies cycloniques. Mais voilà deux ans qu’Haïti a été épargnée par les cyclones, qui font tant de dégâts dans une population fragile au niveau des terres et des habitations.
La pépinière.
La pépinière n’est pas très bien entretenue. Désherbage insuffisant. Certaines plantules sont devenues trop granges et seront difficilement vendue ; les filets de protection contre le soleil ont été endommagée et n’ont pas été réparés. Certains devront être changés. Ils ont assuré que ces réparations seraient faites rapidement. L’an dernier, ils ont sorti les plantules en plein soleil et certaines ont été brûlées. Cela aurait dû être une expérience. Les nouvelles semailles devront être faites rapidement car la saison s’y prête. Une pépinière ne représente un espoir de rentabilité que si elle est bien entretenue. Pour vendre, il faut une production impeccable, car ce sont les plus souvent des professionnels qui achètent : ONG, ODVA etc…pour le reboisement.

Des plantules de manguiers, dans la pépinière, …devenue trop grandes et qui poseront des difficultés pour le repiquage. Difficilement vendables.
Deux problèmes pour la pépinière : sans la présence du technicien agricole, qui a fini son travail de formation, le travail est moins rationnel et organisé. Les paysans ont un peu plus de mal à vendre, ils sont évidemment moins doués en relations publiques… cependant ils ont :
600 manguiers prêts à être vendus. (Pour vendre il faut accepter la concurrence, donc des prix assez bas. Une plantule de manguier se vend entre 10 et 15 gourdes suivant la qualité. Evidemment, les mangues « franciques » les meilleurs, se vendent plus cher.
250 Citronniers, cerisiers (d’Haïti) chadèques, cachimans, qui se vendent environ 25 gourdes par plantule.
La présentation est très importante, mais les paysans ne sont pas habitués à prendre en compte ce critère…des plantules au milieu des herbes, qui poussent un peu partout n’engagent pas à l’achat. C’est donc une nouvelle manière de faire qu’il faut intégrer. D’autant que l’ODVA (Organisation de Développement de l’Artibonit ; organisme d’Etat)a promis d’acheter les manguiers.

Le hangar ADAV Enfants-Soleil. Très utile pour abriter en sécurité le matériel.
Moringa.
Les plantations de Moringa poussent vite. Mais nous ne comptons pas en faire de la poudre comme certains groupements surtout à Jacmel. Voir article « Moringa » plus bas. C’est trop compliqué techniquement et hors de portée des paysans, les investissements sont importants, les conditions de séchage difficiles, le marché aléatoire. Il faut que les paysans intègrent le fait que cette plante peut constituer un apport nutritionnel très important. Mais bien que le sachant, les paysans n’ont pas assez protégé les Moringas (benzoliv)et une grande partie a été mangée par les animaux errants, surtout les chèvres, qui en sont très friandes. La protection représente du travail et un petit investissement, c’est pourquoi, les paysans, qui n’ont pas eu le temps ont fait cette erreur. D’autre part, les moringas prennent de la place, sur des terres chères et qui ne leur appartiennent pas… le reboisement n’est pas possible, dans ces conditions. Cependant, les familles en consomment un peu dans les soupes ou conne légumes ; c’est un progrès, mais ce n’est pas suffisant.
La fosse à compost de la pépinière de Verrettes. Cela ne suffit pas pour toutes les cultures, mais c’est un plus, intégré dans les pratiques des paysans.

La pépinière se trouve dans un espace fermé, protégé, loué pour 5 ans renouvelables. C’est très intéressant, mais c’est petit.
Accueil de visiteurs éventuels.
Sur cet espace se trouve la maison de la propriétaire, qui ne vient que quelques jours par an.Elle habite Port au Prince où elle travaille. cette maison, ce sont ses économies. Même si l’espace est loué très peu cher, cela représente pour elle un avantage intéressant au niveau de la sécurité. Elle construit cette maison petit à petit, il y a une présence, celle des paysans du coin, qui dissuade les voleurs et qui la rassure. Nous avons construit sur son terrain un hangar en dur pour les outils et le motoculteur, qui sera pour elle une plus value. Chacun est donc gagnant. Ce sont les paysans qui ont les clés de la maison.

La maison, qui s’améliore petit à petit, l’intérieur est très confortable. Nous espérons qu’elle abritera bientôt des visiteurs de la région.
Nous avons émis l’idée que cette maison, qui commence à être jolie et confortable, puisse accueillir des visiteurs de la région. Le touriste culturel se développe, et de plus en plus, les gens, par petits groupes, commencent à s’aventurer dans le pays. Cette maison est située dans un espace clos, en pleine campagne, il serait très intéressant que des voyageurs puissent y dormir.
Un dédommagement, partagé entre la propriétaire qui prêterait sa maison, et les paysans qui assureraient le gardiennage et l’accueil, pourrait satisfaire tout le monde. Il y a dans la région des secteurs très intéressants à visiter, et de très beaux paysages, que les paysans seraient heureux de faire découvrir. C’est le tourisme qui nous intéresse, car il apporte aux plus modestes des contacts intéressant et des possibilités de participer à un secteur d’activités générateur de revenus. Les prix seraient sans commune mesure avec ceux pratiqués par les hôtels, ni même avec ceux proposés par les congrégations, qui accaparent ce genre de revenus, car, riches, elles sont les seules à proposer des infrastructures adaptées pour un certain nombre de visiteurs. Mais les revenus générés ne touchent pas les plus démunis, comme dans ce cas. Une trop grande partie d’Haïti appartient à ceux qui ont déjà des moyens. Ce sont eux qui ont profité de la reconstruction, ce sont eux qui profiteront de l’essor éventuel du tourisme… et des autres activités. Il faut briser ce cercle vicieux des deux mondes, entre lesquels l’écart se creuse sans cesse, et dont l’un profite, en oubliant complètement l’autre. Nous allons donc négocier cette possibilité avec la propriétaire.

Pour ceux qui s’intéressent à la nature, les découvertes ne manquent pas. Comme cet arbre Pini, dont le tronc et les branches sont couverts d’épines, et qui est un symbole en Haïti. (Région de Mirault.)

Canal parallèle à L’Artibonite. Dans un paysage magnifique, de nombreuses promenades découverte sont possibles. Du barrage de Mirault aux plaines irriguées de Verrettes , La Chapelle…

Le fleuve Artibonite, qui serpente dans la plaine jusqu’à la mer. Source de vie pour toute la région mais aussi grand danger quand les grandes pluies le font déborder. De nombreuses catastrophes ont endeuillé le passé.