Une semaine en Haïti N° 1630 Mercredi 27 décembre 2023

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Ci-dessous :
Communication du Journal Haïtien "Le Nouvelliste". Rapport du HCDH.

D’où viennent les armes des gangs ?
Les accords de partenariat entre les gangs pour assurer et étendre leurs activités criminelles.

Par Jean Daniel Sénat
Le gang de Village-de-Dieu, acteur important dans le commerce des armes et des munitions, selon l’ONU. Une communication du journal haïtien « Le Nouvelliste ».
Un rapport publié par le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH) et le Bureau intégré des Nations unies en Haïti (BINUH) fournit des détails sur l’armement des gangs qui opèrent dans le bas Artibonite.

Un rapport publié par le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH) et le Bureau intégré des Nations unies en Haïti (BINUH) fournit des détails sur l’armement des gangs qui opèrent dans le bas Artibonite. Selon des données recueillies par le Service des droits humains du BINUH, au moins cinq gangs (Descahos, Gran Grif, Kokorat san ras, Raboteau et Ti Grif) disposent d’un arsenal composé de fusils de type AR 15, M1, M4, M16, T65, Galil et des pistolets. D’après le rapport, les malfrats se procurent ces armes grâce aux rançons des enlèvements et/ou aux détournements de marchandises. Toujours d’après le document, s’agissant des groupes d’autodéfense, ils possèdent généralement des armes blanches (notamment des machettes et des couteaux) et quelques fusils pris lors de confrontations avec les gangs.
Le rapport onusien a révélé l’origine des armes utilisées par les bandits dans le bas Artibonite. « Les armes à feu et les munitions en possession des gangs sont généralement achetées auprès du gang Village-de-Dieu et d’autres intermédiaires présents dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince. Des individus vivant en dehors du pays seraient aussi en mesure d’acheminer des armes dans l’Artibonite par voie maritime ou terrestre. Des actions récentes menées par des groupes d’autodéfense pour empêcher l’approvisionnement en armes des groupes criminels ont permis d’exposer certains de ces réseaux », fait remarquer le rapport.
« Ainsi, le 8 février 2023, prévenus par des informateurs, des membres du groupe d’autodéfense coalition de Jean Denis ont intercepté, dans la zone de Patchwal (Petite-Rivière de l’Artibonite), un véhicule en provenance de Port-au-Prince. Le véhicule transportait plusieurs caisses d’armes et de munitions destinées au gang Gran Grif. La coalition de Jean Denis a saisi les caisses et exécuté les deux hommes à bord du véhicule. Quelques heures plus tard, en guise de représailles, le gang Gran Grif s’est rendu dans cette localité, tuant six personnes et en enlevant trois autres », peut-on lire dans ledit rapport.
Plus loin, le document a fait état des alliances développées par les bandes criminelles, ce, afin d’augmenter leurs capacités opérationnelles. Ils développent des alliances entre eux, mais aussi avec des personnels de la police, sur la base d’intérêts convergents. « Éphémères, conjoncturelles ou à l’inverse durables, ces alliances indiquent un certain niveau d’organisation afin d’opérer de manière concertée », établit le rapport.
« Le SDH (du BINUH) a pu établir que le gang Gran Grif s’est allié au gang de Ti Grif dans la localité de Palmiste (commune de Petite-Rivière de l’Artibonite) dans le but de mener des attaques contre les populations locales et de tendre des embuscades sur la route nationale 1. De même, le SDH a recueilli des informations indiquant que des membres de « Kokorat san ras » sont en lien avec le gang de Raboteau, ce qui leur permet de se replier le soir dans la ville des Gonaïves. Quant à la coalition de Jean Denis, elle s’appuie sur des groupes d’autodéfense présents dans les communes de Liancourt, Petite-Rivière de l’Artibonite et Verrettes, pour s’opposer au gang de Gran Grif. Certains groupes d’autodéfense ont également des liens avec des unités de la Police nationale d’Haïti (PNH). À titre d’illustration, en avril 2023, le groupe d’autodéfense de la localité de Kapenyen (proche de la localité de La Croix-Périsse, commune de l’Estère), accompagné de personnels de la PNH, dirigés par un commissaire de police des Gonaïves, ont incendié une centaine de maisons dans le village de Joanis (commune de l’Estère). D’autres groupes d’autodéfense partagent régulièrement des informations avec des policiers et les aident à patrouiller sur les axes routiers du bas Artibonite, notamment ceux de Desarmes, La Chapelle et Verrettes », détaille le document.
Le rapport a également mis en évidence les liens des gangs de l’Artibonite avec ceux de la zone métropolitaine. Une stratégie qui renforce davantage l’emprise des groupes criminels sur le territoire national. « Depuis plusieurs années, des relations ont été établies entre le gang Gran Grif et celui de Village-de-Dieu. Arnel Joseph, l’ancien chef du gang de Village-de-Dieu (de 2014 à 2017), était lui-même originaire de la localité de Savien, qui est le fief du gang de Gran Grif. Plus récemment, de nombreux membres du gang de Village-de-Dieu se sont déplacés dans la localité de Savien pour échapper aux actes de lynchage commis dans la capitale dans le cadre du mouvement populaire connu sous le nom de « Bwa kale ». 18 membres du gang de Village-de-Dieu, qui suivaient ce parcours, ont été attrapés et lynchés par la population au niveau de la commune de Petite-Rivière de l’Artibonite.
Des alliances entre le gang de Canaan, dont le chef est originaire de la commune de Petite-Rivière de l’Artibonite, et ceux de Kokorat san ras et de Gran Grif ont aussi été documentées. Ces différents soutiens et alliances entre des gangs de Port-au-Prince (Village-de-Dieu et Canaan) et des gangs de l’Artibonite (Gran Grif et Kokorat san ras) démontrent une stratégie de la coalition G-Pèp, sous l’instigation du chef de gang de Village-de-Dieu, d’étendre son influence dans la région de l’Artibonite. Grâce à son contrôle des communes situées au nord de la capitale et sa jonction avec les groupes criminels de l’Artibonite, la coalition G-Pèp a réussi à isoler, sur plus de 80 kilomètres, les principales villes situées le long de la côte, notamment la partie nord de Croix-des-Bouquets, Cabaret, Arcahaie, Montrouis et Saint-Marc. À l’heure actuelle, il n’est plus possible d’avoir accès à ces communes, ni aux Gonaïves, par la route », révèle le document.

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