Un cas d’école : l’Ethiopie.
Souvenons-nous : 1984
« Sécheresse, famine, maladies, l’ampleur du désastre est à peine croyable. Peut-on imaginer seulement que plus de 1500 Ethiopiens meurent chaque jour, faute de soins et de nourriture ? certes, la mobilisation internationale commence à porter ses fruits. Mais pourtant- tout reste à faire. Chaque jour, notre équipe est confrontée à des situations désespérées La sècheresse gagne du terrain, et la maladie aussi…30000 morts. »
Ces paroles sont celles, en 1984 , du docteur Crouan, médecin de MSF en Ethiopie.
Au printemps 1984, la pluie ne tombe pas dans le nord du pays, la famine guette. Les équipes MSF tirent la sonnette d’alarme : il faut absolument apporter de la nourriture à Korem. La population passe rapidement de 8000 à 25000 habitants. Ils sont plus de 50 à mourir chaque jour et des dizaines de milliers à attendre des distributions de nourriture. MSF réitère inlassablement ses appels à l’aide. Il faut plusieurs mois pour que la gravité de la situation soit enfin reconnue, pour que le gouvernement lance un appel à l’aide internationale, et parle de famine.
En septembre, 100 personnes meurent chaque jour à Korem. Les premiers journalistes qui peuvent enfin se rendre dans le Nord découvrent cet immense mouroir. Ce sont des images d’enfant squelettiques qui déclencheront l’immense mouvement de solidarité pour l’Ethiopie. MSF, pour la première fois de son histoire, envoie de façon massive de la nourriture, des médicaments, des tentes, des couverture. Ils sont presque 100000 sur le plateau de Korem et à peine 10000 sous des abris.
Déplacements forcés et expulsion de MSF.
Pour le gouvernement éthiopien, cette famine devient une arme providentielle pour redessiner la géographie humaine du pays. A Korem, la propagande officielle incite aux départs « volontaires » vers le sud. Certains s’en vont, les autres restent, sans s’imaginer l’enfer qui leur est réservé en représailles : la nourriture est désormais réservée à certains, l’aide alimentaire détournée vers le sud. Les équipes d’MSF sont bloquées dans leur travail par des interdictions de toutes sortes.
En 1985, alors que les autorités viennent de refuser à MSF l’ouverture d’un centre de nutrition pour 8000 personnes en danger de mort, l’équipe sait qu’elle n’a plus le choix. Il faut dénoncer l’inacceptable : les déportations massives de morts en sursis et les détournements de l’aide humanitaire vers le sud. La réaction des autorités sera brutale : le 2 décembre, MSF est expulsée d’Ethiopie. La famine n’est pas éteinte, les déplacements de population continuent. Mais MSF a déjà fait beaucoup de bruit. Les grands donateurs s’interrogent, les Américains arrête leur aide au pays. Les transferts auront fait au total plus de 100000 morts.
Schéma :
- Catastrophe prévue sans aucune recherche des causes structurelles profondes.
- Surdité des états concernés pour raison politique.
- Sonnette d’alarme ONG…
- Nombreux morts formation des camps de réfugiés…réaction des ONG, PAM etc.
- Milliers de morts : réaction internationale avec télévision…
- Détournement de l’aide, politisation, mise à profit des événements par les gouvernements ( souvent non démocratiques) locaux.
- Arrêt de l’aide. ( quelque peu cynique…)
Et maintenant : Avril 2000 .
« Une famine due à une sécheresse au moins équivalente à celle qui a frappé l’Ethiopie en 1984 menace aujourd’hui plusieurs millions de personnes. Déjà, le premier bilan fait état de 400 morts, principalement des enfants, dans le sud-est du pays. Save the Children et Oxfam America, deux organismes humanitaire oeuvrant en Ethiopie, ont lancé hier un appel à la communauté internationale : l’absence de pluie depuis maintenant trois années et l’extrême pauvreté des habitants sont les raisons de l’aggravation rapide de la situation. Les paysans, qui vivent essentiellement de l’élevage ont vu mourir la plupart de leurs troupeaux qui leur fournissaient le lait et la viande…quant aux agriculteurs, ils ont perdu la totalité de leurs récoltes. Des milliers de personnes sont déjà sur les routes, fuyant la famine, et beaucoup d’enfants sont atteints de Malaria, de diarrhée ou de rougeole.
Save the Children et Oxfam América demandent aux pays développés d’approvisionner au plus vite l’Ethiopie en nourriture et en eau. Par la suite il faudra prévoir l’envoi d’outils, de semences et d’animaux pour permettre aux gens de rentrer chez eux après les prochaines pluies. C’est donc une opération humanitaire de grande envergure qu’il faut mettre en place sans plus attendre, avant qu’il ne soit trop tard. La communauté internationale est au courant depuis des mois de la menace qui pèse sur plus de huit millions d’Ethiopiens et, au-delà- sur toute la population de la corne de l’Afrique : elle reste cependant assez indifférente au sort de ses frères et sœurs ; oubliant que 800000 d’entre eux sont déjà morts dans des circonstances analogues en 1984-85
Aujourd’hui : Niger 2005.
On constate exactement le même schéma, les mêmes catastrophes finales, les mêmes photos dans le presse…
Cet exemple plus récent n’échappe pas à la règle.
La première conséquence est que les gens qui reçoivent ces nouvelles finissent par considérer ces catastrophes comme naturelles et inéluctables. Les seules critiques vont aux temps de réactions des gouvernements ou des ONG. Des organismes internationaux comme P.A.M. ( Programme alimentaire mondial) ou Oxfam America et beaucoup d’autres se sont spécialisées dans les intervention lors des famines…ce qui en dit long sur l’organisation du monde. Nous courons après les catastrophes en occultant soigneusement les véritables causes de ces catastrophes qui sont une honte pour l’humanité.
Niger. Famine : des dizaines de milliers d’enfants menacés
(Article de Donaig Ledu journaliste à RFI, publié sur Internet.)
Sécheresse, invasions acridiennes (criquets) : la saison des pluies 2004 a été très mauvaise dans le Sahel. Au Niger, on estime que 3,6 millions de personnes, soit près du tiers de la population, sont menacées par la crise alimentaire. Au mois de mai, les Nations unies ont lancé un appel urgent : il faut 16 millions de dollars pour faire face. Premières victimes de cette « catastrophe silencieuse » : les enfants de moins de cinq ans. 50 à 150 000 d’entre eux risquent de tomber dans la malnutrition sévère d’ici à la fin de la période de soudure, c’est-à-dire d’ici au mois d’octobre
Lorsque la petite Haoua arrive, inconsciente, au Centre de renutrition intensive (Creni) de Médecins sans frontières (MSF) à Maradi, personne ne pense qu’elle pourra survivre. Deux jours plus tard, elle a recommencé à pleurer. Sa grand-mère veille sur elle, jour et nuit. Elle le sait bien, qu’elle a trop attendu. L’enfant est malade depuis longtemps : des crises de paludisme, des diarrhées à répétition… Pour l’emmener au dispensaire, il fallait de l’argent, et il n’y en avait pas à la maison. La petite fille s’est affaiblie peu à peu. Alors, en désespoir de cause, la grand-mère a pris un crédit de 1 000 francs CFA (1,5 euros) pour payer le taxi-brousse jusqu’à Maradi. Grâce à elle, Haoua sera peut être sauvée.
Le Creni de Médecins sans frontières à Maradi a ouvert ses portes en 2001. Même lorsque les récoltes sont bonnes, la malnutrition touche des milliers d’enfants nigériens chaque année à cause de la pauvreté, des grossesses rapprochées, d’un régime alimentaire carencé, d’un manque d’accès aux soins. Mais au début du mois d’avril 2005, les équipes de Médecins sans frontières ont tiré la sonnette d’alarme : le nombre d’admissions, à Maradi, avait doublé par rapport aux années précédentes. MSF a ouvert en urgence trois nouveaux centres, à Dakoro, Keita et Tahoua. Au total, entre janvier et juin, 6 000 enfants ont été pris en charge.
Ces enfants souffrent de malnutrition sévère, c’est à dire qu’ils sont en danger de mort s’ils ne reçoivent pas rapidement les soins appropriés. Et les enquêtes nutritionnelles montrent que, dans des villages des régions de Maradi et Tahoua, un enfant sur cinq est malnutri. Sans assistance, ces enfants risquent de basculer, très vite dans la malnutrition sévère.
Encore quatre mois avant la récolte
Et pour que le pire arrive, il suffit parfois d’une crise de paludisme ou d’une diarrhée. « Quand un enfant tombe malade, raconte Mme Adamou, adjointe au maire de Keita, ceux qui le peuvent vendent leurs poules pour payer le dispensaire. Ceux qui n’ont rien restent là, ils regardent leurs enfants. S’ils guérissent, c’est dieu qui les a guéri. Parce que si l’on emmène un enfant au dispensaire et que l’on n’a pas d’argent, on ne va pas te soigner l’enfant… ». Dans les centres de santé, les soins sont payants, en vertu du système dit de « recouvrement des coûts », pratiqué dans les formations sanitaires. Et cette année, en période de crise alimentaire sévère, il faut souvent choisir. Beaucoup de greniers à mil sont vides. Les maigres ressources sont utilisées en priorité pour nourrir la famille. Le prix des céréales a grimpé, à mesure que baissait le cours du bétail sur le marché.
Pour faire face à l’urgence, le Niger centralise les efforts nationaux et ceux des bailleurs de fonds, au travers de son dispositif national de prévention et de gestion des crises alimentaires. Chaque année, à la fin de la saison agricole, des évaluations sont faites. Et des ventes de céréales subventionnées, dites « à prix modérés », ou des opérations « travail contre nourriture » sont organisées dans les villages les plus touchés. Cette année, les autorités estiment que 3,6 millions de personnes sont en zone « à risque ». Le plan d’urgence prévoit de couvrir 30 à 40% des besoins. C’est insuffisant. Mais les financements se font attendre.
Le 28 mai, lors de sa déclaration de politique générale, le Premier ministre Hama Amadou a lancé un appel « angoissé » à la communauté internationale, pour une aide alimentaire d’urgence. « Nous avons encore devant nous quatre longs mois avant la récolte », constate le docteur Isselmou Ould Boukhary, responsable des programmes de l’Unicef à Niamey.
Cet article, publié sur internet mérite quelques commentaires : Une fois de plus, l’urgence : les interventions qui arrivent trop tard, les photos terribles des enfants en train de mourir, un appel à l’aide d’urgence, une petite référence à la fragilité des populations et aux femmes qui font décidément trop d’enfants….la terrible routine, les mêmes tristes images.
Nous avons vu dans les pages précédentes comment la politique mondiale développée actuellement avait une grande part dans ces catastrophes à répétition. Il est criminel de laisser croire qu’elles sont naturelles, alors que nous en sommes, nous les humains, à divers degrés, directement responsables. Il est temps de penser sérieusement à agir préventivement et nous savons comment.
Il est une autre cause non moins directe à ces milliers de morts : la pollution.
Pollution et famine.
Chaque année, la vie de centaines de millions d’êtres humains d’Afrique et d’Asie dépend d’un phénomène naturel : l’arrivée des pluies ou mousson. Or nous remarquons que de plus en plus fréquemment ces pluies n’arrivent pas ou arrivent très tard, ou ne sont pas suffisantes pour que les cultures puisent nourrir les populations.
Des scientifiques, spécialistes de la météorologie, ont découvert un nouveau phénomène qui explique pourquoi les famines du Sahel pourraient fort bien avoir pour cause les activités humaines à travers les pollutions engendrées par les activités industrielles des pays du Nord ( Amérique, Europe mais aussi Inde, Chine…).
Le rayonnement solaire, sur la terre, ne cesse de faiblir (30% en Russie, 16% en grande Bretagne, 10% dans beaucoup d’autres régions de la terre) avec des répercutions sur le climat.
(Emission France 2 Vendredi 12 août 2005. Document britannique de David Sington et Duncan Coop.)
Les moussons se forment à partir de masses nuageuses qui remontent des régions équatoriales chaque année, provenant des augmentations de chaleur au dessus de l’atlantique. Cette augmentation de chaleur provoque des évaporations des eaux océaniques, qui se transforment en pluies lorsqu’elles arrivent au dessus des régions sahéliennes.
La pollution engendrée par les activités humaines se compose entre autres de gaz à effet de serre et de particules microscopiques qui s’élèvent dans l’atmosphère. Ces particules microscopiques ( fumées, particules émises par les industries, les moyens de transport…) s’élevant dans l’atmosphère, se fixent sur les gouttelettes elles mêmes microscopiques qui composent les nuages.
Des études longues coûteuses et apparemment très sérieuses faites par des météorologues d’abord dans les Iles Marquises, puis dans l’Atlantique Nord ont montré que ces particules, mêlées aux nuages provoquent un effet de miroir qui réfléchi ( et renvoie) la lumière solaire. Entre les Iles Nord des Marquises, dont l’air est pollué par des particules provenant d’Inde, et les Iles du sud, on a constaté une différence de 10% d’ensoleillement au niveau du sol et de la mer. C’est à dire que la terre s’assombrit dans les régions polluées. Cet assombrissement a depuis été constaté en Europe en Amérique et dans d’autres régions du globe.
Les météorologues se sont demandé quelles conséquences avait cet assombrissement.
Ils ont découvert qu’il avait une conséquence directe sur les phénomènes maintenant fréquents de sécheresse au Sahel. En effet, cet assombrissement se traduit par un réchauffement moins important de l’Atlantique au moment où doivent se former les masses nuageuses qui iront, remontant du sur provoquer les pluies sur le Sahel. L’Océan se réchauffant moins, il se produit une évaporation moindre, les moussons n’arrivent plus à remonter jusqu’aux latitudes qu’elles atteignent normalement….parfois durant plusieurs années de suite.
Ainsi, concluent ces experts, sommes nous responsables, par nos pollutions l’atmosphère, presque directement, des famines qui ont lieu de plus en plus fréquemment dans les pays déjà fragilisés par la misère endémique du Sahel. ( Ce sont, pour ce qui tient au Sahel, l’Amérique et l’Europe qui sont directement désignées comme responsables des émissions de particules.) Rien ne permet de penser que les moussons d’Asie ne seront pas touchées prochainement par ces dérèglements climatiques, quand on constate la vitesse avec laquelle les grands pays émergents de cette région du monde s’industrialisent…ce seront alors des centaines de millions d’habitants qui seront touchés.
Un casse tête climatique en conséquence : plus on lutte contre cette pollution constituée par des particules qui s’échappent dans l’atmosphère, plus on favorise le réchauffement de la planète, en accentuant l’effet de serre ! Il est donc essentiel de mener de front les deux efforts. Cependant…
« Le mode de vie des Américains ne se négocie pas » « Les ventes de 4/4 augmenteront en France de 17% et tous les grands constructeurs fabriquent ou envisagent de fabriquer ces modèles de véhicules aussi inutiles que pollueurs…etc, etc.
Il est dommage que des émissions de télévision comme celle qui est passée ce vendredi 12 août sur la 2 , expliquant ce phénomène, soit programmée aussi tard ! Sa qualité et l’acuité des problèmes soulevés mériterait une diffusion à une heure de grande écoute.