Nous sommes, comme tous les organismes qui essaient d’aider les plus pauvres dans ce pays, très inquiets pour l’avenir. Jamais une telle situation n’ été vue en Haïti. Toutes les autorités sont impuissantes à contrer la montée des groupes qui s’entretuent et n’épargnent pas la population.
Tout est difficile, voire impossible. Déplacements dans le pays, réalisation des projets, envois de fonds.
Même au niveau des banques, le désordre règne. Les sommes versées sur les comptes de nos directeurs d’écoles n’arrivent pas et nécessitent des démarches longues et incertaines pour qu’ils puissent récupérer l’argent, pour les cantines et les salaires des professeurs, qui pour le moment n’ont pu être payés. Il est impossible d’envoyer des colis, qui disparaissent régulièrement à la douane, en grève et totalement plongée dans l’anarchie.. Beaucoup d’élèves et étudiants sont obligés de faire de nombreux détours à cause des quartiers occupés par les gangs, des tirs incessants, et les adultes pour rejoindre leur lieu de travail. Et tout cela en prenant de nombreux risques d’être kidnappés ou tout simplement blessés ou tués.
Les vacances d’été commencent pour nos enfants des écoles, mais que sera la rentrée ?
Cité Soleil à feu et à sang.
Depuis plusieurs jours, Cité Soleil, le célèbre bidonville du pays, est à feu et à sang. Grâce aux médias, toutes catégories confondues, le pays vit quasiment en direct les pires atrocités commises par les gangs dans cette bataille meurtrière. Personne ne peut donc prétendre ignorance.
Alors que Cité Soleil compte difficilement ses morts et blessés, les gangs opérant dans d’autres endroits de la zone métropolitaine - Martissant et Croix-des-Bouquets - ne chôment pas. On ne compte plus les personnes kidnappées. Ce phénomène qui endeuille et appauvrit la population haïtienne est devenu un fait divers.
Entre-temps, le pays fait face à une crise de carburant provoquée de toutes pièces. De quoi soulever la colère d’une partie de la population. Depuis deux jours, Port-au-Prince est sur le qui-vive pour exiger du carburant sur le marché. Le cri des contestataires semble avoir été écouté. On apprend que la centrale de Varreux a recommencé à alimenter le marché ce jeudi. Cette fois-ci, le carburant sera-t-il disponible dans les pompes au prix fixé par l’État ?
A côté de la dévaluation quotidienne de la gourde par rapport au dollar américain, la flambée des prix des produits de première nécessité, le carburant se vend au prix fort sur le marché informel. Trop occupées, nos autorités ne s’en rendent même pas compte. Comme elles ne se rendent pas compte que Cité Soleil est feu et à sang.
Entre-temps, l’entrée nord de la capitale à hauteur de Canaan suit l’exemple de Martissant. Des gangs qui se renforcent au quotidien y commettent toutes sortes d’exactions. Face à l’impuissance des forces de l’ordre de mettre les bandits hors d’état de nuire, une manifestation a été organisée à St-Marc ce jeudi pour dénoncer cette situation. On attend la réaction des forces de l’ordre.
C’est dans ce contexte que les groupes politiques - Accord du 11 septembre ( la Primature) et l’Accord de Montana - entendent reprendre les négociations en vue d’une résolution à la crise. La classe politique a-t-elle enfin compris qu’il y a péril en la demeure ? Le temps apportera la réponse.
Parallèlement, les Nations unies lancent le processus de renouvellement du mandat du BINUH. Les informations font état de débats houleux au Conseil de sécurité sur la crise haïtienne. Il paraît que certains pays comprennent la gravité de la situation. Attendons voir si cette compréhension de la crise va être traduite en action.
Une chose est sûre, c’est qu’Haïti est dans une impasse qui ne peut plus attendre. Les événements de cette semaine sont plus que des cris de détresse.