L’Economie sociale et solidaire, quel espoir pour Haïti ?

(actualisé le ) par Gérard

Un outil de développement. Un moyen de survivre dans un pays pauvre.

Si l’Economie sociale et solidaire (ESS) apparaît comme l’un des leviers de développement du pays, elle peine à se mettre en place et à se développer. Quelles sont les conditions spécifiques qui créent ces difficultés, quels éléments pourraient lui permettre de jouer pleinement son rôle d’acteur à part entière dans la vie économique d’Haïti ?

La création d’une structure d’économie sociale répond, en Haïti plus qu’ailleurs, à un besoin d’un groupe humain, dans un espace social et économique, à un moment de son histoire. En Haïti, plus qu’ailleurs, elle s’apparente à un combat social, pour tenter de vivre, dans un espace qui n’est pas pris en charge, faute de moyens ou de volonté, par les organisations classiques : état ou secteur privé. Elle peut apparaître ainsi comme le moyen, parfois innovant, de répondant à une nécessité de survie pour des communautés socialement en difficultés.

Qu’est-ce que l’économie Sociale et solidaire en général.

Parallèlement au secteur de l’entreprise de droit commun et au domaine public, l’économie sociale (et solidaire) joue par ses caractéristiques propres, un rôle important dans l’économie d’un pays et dans sa société, en mettant l’être humain et ses besoins fondamentaux, son développement durable, au centre de ses préoccupations, devant les impératifs de rentabilité financière. Elle est généralement moins sensible que l’entreprise classique aux difficultés économiques conjoncturelles, si elle est bien gérée ; elle s’organise souvent dans les secteurs des populations les plus vulnérables et trouve d’abord ses débouchés dans son ancrage territorial.

L’ESS se développe sur le fondement d’un projet d’activité économique au service d’une finalité d’utilité sociale. Elle représente souvent une réponse à un besoin, mal couvert par le reste des entreprises, dont la prise en charge est utile pour la société.(En France : un salarié sur dix pour 7,6% du PIB.)
L’ESS correspond en France (et généralement en Europe) à 4 grands types de statuts :
Associations, Coopératives, Mutuelles, Fondations.
Ni secteur public, ni économie classique (soumise aux règles de la concurrence « libre et non faussée » et à la mondialisation libérale), elle se différencie donc par certains critères, autour de la manière d’entreprendre et la finalité suivie. Elle peut constituer, si tant est qu’elle puisse se développer, une voie alternative au développement.

Les grands principes de l’ESS :

¤ Finalité sociale ou sociétale.
¤ Principes éthiques dans le domaine de la gestion, qui est démocratique (une personne, une voix)
¤ Echelle des salaires encadrée. Participation du bénévolat.
¤ Non appropriation individuelle des résultats, Partage démocratique : excédents mis en réserve ou investis pour des créations d’emplois ou revitalisation de certains secteurs…
¤ Ancrage territorial. Formation en partage, transmission des savoirs et compétences horizontale.
La rémunération du capital y est donc très limitée, sinon exclue. Mais les contours sont assez flous, certains entrepreneurs sociaux se revendiquant de l’ESS. (SARL, SA…)

Les grands domaines d’action de l’ESS :

Privilégiant l’intérêt général, elles ont souvent une faible dimension marchande, cependant elles sont présentes dans de très nombreux domaines d’action, des domaines spécifiques, mais aussi dans l’univers concurrentiel classique. Tous ces domaines sont sinistrés dans les sociétés où les pauvres représentent une grande part de la population. Le système capitaliste revendiquant les domaines lucratifs et laissant de côté ceux qui ne représentent pas de rentabilité évidente, et les états ne pouvant pas les assumer à cause, souvent, des plans d’ajustements structurels qui les asservissent.
¤ Santé (Domaine sanitaire, médico-social... Aide à la personne…)
¤ Insertion, réinsertion. Accès au marché du travail.
¤ Micro-crédit.
¤ Education.
¤ Développement durable. Environnement. Energies renouvelables. Eco-habitat. Valorisation des déchets.
¤ BTP. Agriculture. Commerce.
¤ Vie locale. Emploi.
¤ Tourisme.
¤ Culture. Activités artistiques.
¤ Sport.
¤ Domaine « caritatif » et bien d’autres.

Cherchant à considérer l’impact de l’ESS ou ses possibilités de développement, en Haïti, pour les plus pauvres, une population en état d’exclusion sociale, nous ne parlerons pas des grandes mutuelle d’assurance ou proches des banques, (En Haïti, 70 % des prêts du secteur bancaire sont destinés à 2% de la population, les organismes de micro crédit sont souvent manipulés par des intérêts privés et pratiquent des taux d’intérêt parfois usuraires, incompatibles avec le métiers informels ou les très petites entreprises…) mais des organismes qui oeuvrent vraiment pour aider cette population à sortir de la misère : coopératives, groupements, comités, mouvements aux statuts divers, associations.

La situation en Haïti.

80% de la population en-dessous du seuil de pauvreté. 3% bénéficiant d’une couverture sociale digne de ce nom. 63% n’ayant pas accès à l’eau potable. 53% n’ayant pas accès aux soins. Grande part de l’économie dans les secteurs informels… 4% de la population possédant 80% des richesses du pays. Tous ces chiffres évoquant la bipolarité d’une société et ses criantes inégalités, mais aussi un développement qui creuse ce fossé. Agriculture vivrière délaissée. Importation massive de produits de nécessité courante. Système d’assistance des ONG, ou qui finissent ainsi, à de rares exceptions près.
C’est dans les domaines vitaux de l’école, de l’agriculture, de la petite entreprise, de la santé, des services pour les plus démunis, que l’ESS pourrait constituer un moyen de développement.
Le groupement des paysans de Savane Laboue a pu avec l’aide d’Enfants-soleil, effectuer un forage pour l’eau potable et l’irrigation, construire un bassin de réserve d’eau de 85 M3.
Histoire en deux mots :

C’est vers les années 1960 que des coopératives dans divers secteurs se sont créées. A part quelques exemples ponctuels, (Mouvement des Coopératives d’Epargne et de crédit. Oeuvres de missionnaires canadiens, Caisse Populaire Desjardins, en 1950) les organisations, informelles, étaient la plupart du temps, depuis l’indépendance, des Combis ou d’autres formes d’entraide limitées géographiquement et dans le temps, suivant les besoins : une mise en commun du travail, rémunéré par de la nourriture ou des salaires journaliers quand le besoin s’en faisait sentir, particulièrement dans le domaine rural.

En 1982 est créé le Conseil National des Coopératives : CNC à qui sont confiés la tutelle et le contrôle de ces organismes qui se multiplient.[ Le décret du 31 mars 1981 portant création du Conseil National des Coopératives (CNC) stipule en son article 2 que le CNC a pour mission de formuler la politique nationale dans le domaine de l’organisation et du développement des coopératives en accord avec le Ministère de la Planification et de la Coopération Externe (MPCE).] Ministère de tutelle de la CNC : Ministère de la planification et de la coopération externe.Mais les gouvernements sont changeants, le pouvoir politique instable, et les lois souvent mal ou pas appliquées, faute de moyens du pouvoir politique, de son manque de volonté ou de la puissance des nantis….sans oublier la corruption omniprésente.
En 1990 on dénombre 250 coopératives, mais seulement 70 sont reconnues par le CNC ! Ces chiffres ne sont pas sûrs, c’est un ordre de grandeur. C’est dire si le secteur est pauvre, il apparaît sans modèle standardisé. (certains organismes, essentiellement dans le domaine agricole, vont prospérer : Mouvement des Paysans de Papaye, Têt Kolé etc.)

Le groupement des paysans de Verrettes a pu acquérir un motoculteur qui permet de s’affranchir des aléas climatiques en préparant les terres plus rapidement pour l’agriculture vivrière et la riziculture.Deux techniciens ont été formés. Ils peuvent irriguer les terres d’autres paysans pauvres qui ne font pas partie du groupement.
Le groupement des parcelles permet de générer des surplus qui sont stockés et vendus au marché en dehors des périodes d’abondance.(Champ de haricots du groupement) ; Les 27 paysans gèrent leur comité de manière démocratique.

L’Etat.

Il est très difficile, si l’on veut créer une association ou une coopérative de petite taille, de trouver des interlocuteurs au niveau des pouvoirs publics. Il faut bien reconnaître que le système de quasi tutelle des grandes puissances confinent l’état au rôle d’exécutant, sans réel pouvoir. Exemple : des habitants d’Onaville, qui bénéficient de l’aide Enfants-Soleil pour construire leur maison, se sont groupés en comité. Ils ont voulu formaliser leur groupement en le déclarant. Deux mairies se disputent ce secteur : Thomazeau et Croix des Bouquets. Aucune ne peut recevoir cette déclaration. Aucune élection depuis Préval. Il n’existe pas de structure verticale à laquelle ils pourraient adhérer pour être représentés auprès des pouvoirs publics. Il n’y a pas de statut type. Des terrains ont été acquis par des familles issues des camps, et la promesse a été faite que si une construction était réalisée, un acte de propriété serait réalisé. Nous n’en avons pas trouvé jusqu’à présent.
Il n’existe d’ailleurs aucune représentation de ces municipalités sur place, pas plus que de police…

Représentation verticale.

Il est très difficile de trouver des organismes qui groupent les associations ou coopératives, par département ou provinces ou même par communes. Les coopératives étant le plus souvent petites, elles n’ont pas plus de visibilité que de statuts formels standardisés. A défaut d’une politique sociale et économique, il n’existe guère de modèle ou de règles fixes qui régissent ces organismes, ni de plateforme fiable capable de les représenter. Nous verrons plus bas que leur mode de gouvernance n’est pas orthodoxe, dans de nombreux cas.

Pourquoi ces groupements.

Le plus souvent, ces organisations de type ESS sont un moyen de survivre à la misère, comme instrument de lutte contre l’exclusion sociale. L’exemple de petits paysans, dont les surplus sont très faibles, qui sont obligés de vendre à prix très bas aux grossistes dans la période le moins avantageuse des récoltes, ou qui passent beaucoup trop de temps au marché (commerce informel) au détriment des travaux agricoles est courant. En se groupant, ils économisent des moyens humains, sont maîtres de leur récolte, peuvent espérer acquérir des infrastructures de stockage, et vendent directement avec des marges un peu meilleures. Mais peu nombreux sont ceux qui ont les moyens, ou les compétences pour créer une coopérative ou un groupement.
De même pour les femmes qui tiennent des petits commerces et qui se groupent pour leurs achats, ce sont des associations ponctuelles, sans aucun moyen de les rendre pérennes ou visibles…ou tout simplement efficaces.

L’association des habitants d’Onaville ont réussi, avec Enfants-Soleil, à construire des maisons en dur pour les familles venant des camps. Une épicerie coopérative sera construite et gérée en commun par ce groupement, avec une formation.
Des organismes dévoyés.

Les coopératives qui existent sont parfois des organismes dévoyés, qui servent à enrichir leurs fondateurs et n’ont (à part le nom…) dans les faits, aucune des caractéristiques de l’économie sociale et solidaire.
La plupart des entreprises qui se disent coopératives, ou groupements (souvent issus du milieu congréganiste) sont en réalité des entreprises privées à but lucratif, utilisant la caution du statut de coopérative ou mouvement, ou organismes religieux, pour des avantages fiscaux ou pour le bénéfice de ses membres dirigeants, ou tout au moins avec un flou absolu quant à la redistribution des bénéfices. Elles profitent souvent de l’exploitation de travailleurs ou travailleuses qui n’ont pas d’autre voie possible, avec la bonne conscience de leur apporter une aide charitable. Système autocratique, sans aucune possibilité d’espérer un jour une autonomie pour ces travailleurs. (Ateliers divers…coopératives agricoles, sociétés de services…)
Dans les zones rurales, beaucoup de paysans, très pauvres, ont de grandes difficultés à lire et écrire. L’inculture à ce niveau permet d’établir une tromperie. Ils sont membres d’un groupement mais en ignorent le fonctionnement et ne participent pas aux instances décisionnaires.
Les usagers, les membres, sont rarement parties prenantes dans les décisions, mais servent de caution muette et corvéable au système. Les dirigeants (souvent fondateurs) utilisent parfois leur pouvoir de décision pour leur intérêt personnel, à travers des réseaux de connaissance. Les décisions n’ont donc bien souvent que l’apparence d’une démarche au service du bien commun. Ces dirigeants sont souvent des propriétaires, des cadres techniques (agronomes, experts divers), des congrégations, qui possèdent certaines compétences au niveau des procédures administratives, des relations, dans les milieux dirigeants, une position politique au niveau des communes, des départements ou de l’Etat.
Les dévoiements se retrouvent dans les domaines de la spéculation, de la spoliation des terres par des hypothèques (interdites par la loi, mais courantes) conséquence des prêts usuraires. Beaucoup de prêts comprennent l’hypothèque d’un lopin de terre ou d’une maison, et les aléas de la vie, ou climatiques pour le domaine agricole, induisent souvent la ruine de l’emprunteur.(Beaucoup de paysans sont contraints d’emprunter à ces conditions pour assurer les études des enfants, dès lors qu’ils dépassent le niveau collège, les bonnes écoles étant privées et chères.)
En fait cela revient à consolider les intérêts de groupes appartenant plus ou moins à l’élite, à la classe sociale supérieure, possédante, ou de leurs satellites, désireux de ramasser les miettes. La coopération internationale, qui a besoin d’interlocuteurs, s’adresse naturellement à cette élite, pour qui elle devient la vache à lait.
Parfois aussi, ces intérêts vont dans le sens inverse d’une activité à caractère social, par exemple d’une production exportable de qualité, au service de grandes entreprises souvent étrangères, qui apportent une aide, en espérant en contrepartie accaparer des produits bruts ou très peu transformés, dont la valeur ajoutée échappera à la communauté des membres. (Productions à bas prix destinées à l’export…agriculture, fruits, café…)
Les questions de pouvoir sont fréquentes à l’intérieur même des instances dirigeantes. Le type de pouvoir est souvent paternaliste, autocratique, plus que démocratique et parfois héréditaire.

Financement.

L’ESS a besoin de financements pour se développer, de la solidarité de la nation.
Ces financements sont assurés en Europe par de nombreux organismes publics et privés, qui, parfois, par des appels d’offres ou le financement de projets, confient à ces organisations d’économie sociale, des tâches concernant des domaines non couverts par les structures classiques. C’est donc l’ensemble des citoyens d’un pays, qui finance en partie ces activités, qui ont un impact important sur la société.
Dans ce domaine, l’Etat Haïtien est particulièrement absent, pour ce qui concerne les plus pauvres. Les grosses organisations accaparent les subventions, ne les utilisent pas toujours avec la transparence nécessaire, et pas toujours dans des projets au profit des plus démunis. Les aides internationales sont très importantes, mais concernent des infrastructures assez éloignées des préoccupations de survie des plus faibles. La plupart du temps, les investisseurs, les prêteurs ont pour objectif de tirer des bénéfices de leur « aide ». (Investissement dans l’agriculture, crédit, assurances…)
Les micro-crédits, dont les taux sont trop élevés, qui ne s’adressent qu’à des petits groupes (souvent des femmes) ont des montants trop faibles, et mènent souvent à des hypothèques illégales, des contraintes de remboursement douteuses, ne sont des solutions que pour les petites entreprises déjà constituées…mais elles intéressent trop les banques (cachées souvent derrière les organisations qui les gèrent) pour ne pas se poser de questions sur leur finalité réelle.
Les caisses populaires (Instituts de microfinance) qui fonctionnent comme des coopératives, devraient pouvoir jouer un rôle, mais des scandales (grande faillite de 2003, qui ont lésé des dizaines de milliers d’adhérents) ont entaché leur réputation et donc leur développement. Elles octroient des financements à leurs membres ou sociétaires, dont les droits d’entrée constituent leurs fonds. Ces cotisations sont inabordables pour les plus démunis qui ne peuvent même pas acheter de l’eau potable.(Nous avons reproduit un article d’Alter Presse sur ces événements dans la rubrique « Des idées des infos » qui a pour titre « Coopératives financières. Le scandale de 2003 en Haïti ». Edifiant et très dissuasif pour les possibles emprunteurs !
Il est vrai qu’au niveau des prêts, ces groupements fragiles que sont les coopératives, groupements de paysans ou autres associations, présentent des risques importants, aggravés par des gestions aléatoires, l’extrême pauvreté des populations, et le système en général menacé par la corruption (terres louées au bon vouloir des Grands Dons – propriétaires terriens depuis les redistributions des terres des colons confisquées par les vainqueurs, après la libération du pays au début du XIXème siècle) aléas climatiques, maladies des plantes, désordres sociaux, mafias ayant pignon sur rue…
Les autorités de l’Etat ne cessent de revendiquer leur droit à décider de la répartition des fonds internationaux, avec raison, sans doute, revendiquant une souveraineté de l’Etat qui n’existe guère dans les faits. Les grands bailleurs, d’autre part, acquiescent dans les discours, les bonnes relations de façade étant essentielles entre les pays et les bonnes relations représentant les bons intérêts... Mais partagés entre leurs propres intérêts et l’inquiétude devant une corruption endémique à tous les niveaux, elles hésitent. Les fonds aux mains des élites, ne profitent qu’exceptionnellement au petit peuple, qui pourtant est le moteur essentiel d’un développement harmonieux. Les petites associations et la diaspora sont un peu seuls …et sans grands moyens, à se pencher sur leur cas. En fait, les couches les plus pauvres de la population, à part être une main d’œuvre bon marché, ou un alibi, n’intéressent pas grand monde. Les taxes instituées sur les transferts d’argent par le gouvernement actuel sont un frein supplémentaire aux aides apportées par les familles de la diaspora aux membres qui vivent toujours sur place. (Sur 100 € envoyés, 40% disparaissent désormais dans la nature quand ils se rendent à la banque !) Conséquences désastreuses malgré une bonne intention de départ (financer la gratuité des écoles) pour une loi dont les conséquences ont été mal envisagées ou les avantages politiques peu pertinents.

Formations et expertises.

Les systèmes liés à l’ESS implique des responsabilités des membres, un partage des responsabilités, donc une formation. C’est un des nombreux points faibles des organisations de type ESS. Dirigeants mal formés, objectifs peu clairs, corruption, illettrisme de nombreux membres…
D’une part, les aides en expertises sont inabordables (pour un forage, le coût d’une étude préalable équivaut à ceux d’Europe !) donc réservées aux grosses associations, il en est de même des tarifs des formations auprès des groupements, exigés par les experts…qui d’ailleurs pour beaucoup font mal le travail dans beaucoup de cas. Il n’est pas rare de voir des pseudo experts en agriculture demander 200 euros par jour pour assurer une formation pour un petit élevage ou de l’agriculture vivrière ! D’autre part, la formation est la plupart du temps inadaptée aux populations concernées, ne tenant pas compte de leur problèmes, ni de leurs savoirs qui sont grands, sans échange égalitaire. Le type de formation est vertical : les experts d’une part, les écoutants de l’autre, qui ont du mal à comprendre, étant très éloignés de ce genre de discours. Ils ont donc beaucoup de mal à participer aux prises de décisions…mais qui s’en inquiète, qui y a intérêt ? La position, très lucrative de ceux qui dirigent, pourrait être mise à mal, si le savoir permettait aux groupements solliciteurs de formation de ne plus dépendre d’eux.

Gouvernance.

Cela reflète le type de management assez courant des coopératives ou groupements, les dirigeants n’ayant pas grand intérêt à installer un système vraiment démocratique. L’apparence de démocratie leur suffit, derrière laquelle se cache trop souvent un système de fonctionnement autocratique, qui est tout à leur avantage.
Les mécénats de compétences octroyés par les ONG, restent, quoi qu’elles disent, dans ce système. Les formations sont rarement suivies. Il en est de même au niveau de l’éducation, ou d’autres secteurs.
Ainsi, ce système de management aurait beaucoup de mal à faire face aux exigences rigoureuses d’une organisation de type démocratique, mais ils n’en voient pas l’intérêt. Le flou administratif leur convient parfaitement. Seules quelque petites associations tentent de mettre en pratique ces principes, mais peu présentes en permanence sur le terrain, elles doivent faire face à d’autres problèmes sur la durée. Elles apportent des aides pour des infrastructures, des formations, le fonctionnement, mais sitôt le projet proprement dit achevé, il y a de grandes chances que le système, si commun, de la prise de pouvoir par quelques-uns, se remette en place, s’éloignant des modes de gouvernance de L’ESS et de son éthique fondamentale. Dans ce cas, le retour social sur investissement n’est pas assuré, ni la mutualisation des savoirs et savoir-faire.

Conclusion.

Ces structures ESS, nées des lacunes d’une politique sociale et économique peu efficace ou inexistante, sans modèle standardisé, sans organisme de tutelle compétent et clair, sans financement de la part de l’Etat, et soumis à un système autocratique de la part de la classe dominante de la populations, sans interlocuteurs dans les instances du pouvoir, avec une mobilisation sociale qui n’est pas encouragée, ont beaucoup de mal à se mettre en place.
Les organisations ou projets de ce type, même si elles ont la volonté de bien faire, d’œuvrer au service de la population, restent bien souvent des expérimentations organisationnelles de proximité, informelles, sans visibilité et sans réel pouvoir, n’ont pas les moyens humains et matériels d’agir pour avoir un impact réel contre la misère et l’exclusion. D’ailleurs, la conscientisation des paysans, la mobilisation sociale, le regroupement de paysans, ont souvent été considérés comme un danger dans le passé, c’est pour certains encore le cas… le mépris est souvent le mode d’approche le plus répandu, de la part d’une certaine classe sociale, envers les plus démunis du monde rural. Une émanation d’un passé où des tensions – c’est un euphémisme- existaient entre les noirs, descendants d’esclaves, les métisses et les mulâtres.
Quand on regarde bien, même si le groupement « se porte bien », par exemple dans le domaine des producteurs de café, les aides qu’ils ont obtenues proviennent d’entreprises étrangères, au statut d’organisations internationales d’aide au développement, qui achètent, certes un peu plus cher, toutes les récoltes et s’approprient l’essentiel des bénéfices (transformation et distribution dans les pays riches) avec le label « commerce équitable ». Les groupements de producteurs deviennent totalement dépendants de ces entreprises, même si elles les aident à s’organiser et à assurer une production de qualité. Or l’une des caractéristiques des organisations de type ESS est leur indépendance. La créativité, la responsabilité qui en sont d’autres principes, sont réduites à la portion congrue. N’est-ce pas reproduire les rapports féodaux qui existent depuis l’indépendance du pays, entre les paysans et la frange dominante de la population ou des entreprises étrangères ? La gestion de l’ESS reflète l’histoire sociale d’un pays et ses rapports aux pouvoirs. L’ESS a donc un aspect politique qui est souvent un frein à son développement.
Il est donc primordial que l’aide des petites organisations internationale ou nationales, proches du terrain, prennent en compte ce secteur essentiel du développement du pays, écrasé par les plans d’ajustements structurels, la mainmise des USA ou d’autres « partenaires », des grands groupes, l’isolement, la corruption le manque d’information, des lacunes au niveau du savoir, et l’inorganisation. Elles doivent, pour devenir efficaces, se regrouper et réfléchir sur la nécessité d’aider le secteur de l’économie sociale et solidaire à se mettre en place, par la formation de cadres locaux, issus de la catégorie sociale à qui ils apportent leur aide, honnêtement impliqués, et le soutien à des projets innovants respectant les caractéristiques de l’ESS.
Favoriser les initiatives des mouvements sociaux, groupes d’intérêt porteurs de projets de créations d’organisation de type ESS (planteurs, paysans sans terre, petits commerçants, pêcheurs, artisans, producteurs de café, maraîchers, enseignants etc…) qui mettent en place les principes d’entraide, de partage, de solidarité, de participation, de créativité, et de responsabilité et les aider à sortir du système de domination sociale et d’exclusion où ils sont enfermés. La période de « transition démocratique » de 1986 à nos jours doit s’y prêter même si les obstacles sont nombreux.