Le problème des micro-crédits. (Les micro-crédits sont sans intérêts)
D’ordinaire, les femmes en Haïti, essaient d’ouvrir de petits commerces dans divers secteurs de l’activité informelle. Ce sont souvent des ventes de produits alimentaires de consommation courante ( riz, pâtes, pois, épices, légumes qu’elles vont acheter à la campagne etc), des habits usagés ( appelés « pépé » en Haïti) qui sont achetés en ballots, vendus par des associations américaines, des produits cosmétiques…il y a beaucoup de concurrence et tout dépend de la quantité qu’elles peuvent acheter .
Si elles n’ont que très peu d’argent, elles s’adressent à des magasins qui leur font de petites remises, elles font donc très peu de bénéfices et ont tôt fait de dépenser le capital (maman kob). Parfois même, elles empruntent dans un magasin, une petite quantité de marchandises, qu’elles rapportent le soir si elles n’ont pas vendu. Si elles disposent d’un capital suffisant (200 €) mais c’est rare, elle peuvent soit s’adresser à des grossistes, ou, en se groupant, aller jusqu’à la frontière de la République Dominicaine s’approvisionner auprès d’importateurs. Elles payent le voyage et le transport, mais ont des marges plus intéressantes.
Encore faut-il trouver un lieu de vente : les trottoirs sont, nous l’avons dit, de plus en plus interdits aux petites vendeuses, qui sont obligées de marcher avec leur cuvette sur la tête, en évitant les policiers municipaux qui confisquent leur bien. Mais les familles sont nombreuses et la vie est chère en Haïti.
Pour s’installer dans un marché officiel, il faut payer, même si ce n’est pas cher, cela grève les recettes souvent très maigres, et il faut trouver de la place. Deux handicaps souvent insurmontables.
Octroyer un micro-crédit, pour permettre à une maman de travailler pour nourrir la famille, dans d’autres secteurs que les petits commerces, est plus intéressant parfois, mais les femmes n’ont souvent pas de formation, parfois sont analphabètes, ce qui pose des problèmes. Léona n’aurait pas eu l’opportunité d’ouvrir son restaurant si sa fille, diplômée de gestion, ne la secondait pas pour la tenue des comptes.(voir page Léona)
Lorsqu’on octroie un micro crédit (ils sont toujours gratuits avec Enfants-Soleil) il convient de s’assurer que celui-ci a une chance raisonnable d’être remboursé, mais surtout, qu’il y ait une bonne probabilité que les activités prévues sont rentables. Il faut donc un accompagnement et une formation si nécessaire.
Créer un véritable emploi.
Agathe est couturière de métier, mais elle ne trouve pas d’emploi, parce qu’elle n’a pas d’outil de travail : une machine à coudre.
Il est très difficile de trouver des machines à coudre d’occasion en Haïti. Les vieilles machines « Singer » durent plusieurs générations et les propriétaires les conservent. Il y a sur le marché des imitations chinoises des machines à coudre Singer, elles sont de très mauvaise qualité.
Nous avons décidé d’apporter une aide à Agathe avec l’achat d’une machine de bonne qualité. Un parrain a proposé de financer cette machine, de bonne qualité d’une valeur de 200 €.
1 Agathe est venue avec nous pour choisir la machine qui lui permettra, nous l’espérons, de retrouver ses activités. 2 3 Elle signe son contrat avec l’association. C’est un grand moment pour elle et sa famille.
Un prêt et non un Don. Pourquoi ?
Le contrat signé par Agathe stipule qu’il s’agit d’un prêt renouvelable chaque année.
Un don signifie que le bénéficiaire n’a aucun compte à rendre au donateur. La machine pourrait être mal entretenue, voire vendue, sans qu’il y ait possibilité de demander des comptes. Or, nous demandons que le bénéficiaire tienne un cahier où il faudra écrire les diverses commandes, les recettes et les dépenses. Cela nous semble important, d’une part pour sortir de l’assistance, qui mène les gens à demander sans cesse et n’incite pas à rationaliser les activités. Même toute petite, cette activité est comparable à celle d’une auto entreprise. Pour les autres micro-crédits, nous essayons de faire comprendre aux bénéficiaires qu’il faut préserver le capital et n’utiliser que les bénéfices.
Mais cela est aussi important pour le bénéficiaire lui-même, qui pourra se rendre compte de la rentabilité ou non de ses activités, et les infléchir si besoin, ou radicalement en changer, s’ il s’aperçoit qu’il perd de l’argent.
Avec un prêt, nous convenons avec le bénéficiaire qu’il y aura une surveillance régulière de la marche de la petite entreprise, nous pourrons donner des conseils, vérifier l’état du matériel. On peut aussi aider la personne à trouver des marchés.
Si l’activité ne marche pas, nous pourrons revendre la machine et financer un nouveau micro-crédit pour une autre activité. Mais nous n’en sommes pas là.
Les difficultés.
Le métier de couturière n’est pas la panacée. Les grandes époques où il y a du travail sont les rentrées scolaires, pour lesquelles les couturières ont des commandes pour les uniformes des enfants, les autres commandes sont difficiles à obtenir : les gens achètent à bas prix des habits d’occasion : les grandes associations envahissent le marché avec des lots d’habits d’occasion. (c’est pourquoi nous n’envoyons que peu de vêtements, et seulement pour les familles complètement démunies, qui ne pourraient pas payer même des habits d’occasion).
Il y a beaucoup de couturières en Haïti, et nombre de petits ateliers, souvent ce sont des hommes : ces tailleurs ^professionnels, souvent très habiles, qui ne sont que des ouvriers au service d’un petit entrepreneur, font des costumes sur mesure sur commande, pour la petite classe moyenne, pour les cérémonies, mariages, enterrements etc.. La bourgeoisie nantie achète dans les boutiques d’importation d’habits très chers.
D’autres couturières ont la chance de trouver un travail dans une fabrique ; ce sont des ateliers dans les zones franches, où elles fabriquent des habits pour l’exportation. Ce n’est pas très bien payé…40 à 60 € par mois et le travail à la chaîne est très pénible, et souvent loin des habitations des travailleuses.
Il convient donc, si l’on est à son compte, de fournir un travail de qualité, à des prix très modérés, et de savoir trouver des marchés et des matières premières de qualité à de bons prix.
Cependant, dans un quartier, une bonne couturière peut trouver du travail toute l’année : retouches, reprises, ou confection d’habits d’enfants qui sont très chers sur le marché.
Nous avons donc pensé qu’Agathe pourra s’en sortir. C’est une affaire à suivre.
Ci-dessous le contrat de prêt.