Notre école de Verrettes, au milieu des zones les plus sanglantes d’Artibonite (département central) continue ses activités dans l’angoisse que les tueries touchent le quartier où elle est située, à l’entrée de Verrettes.
Les 250 élèves inscrits ne sont pas présents tous les jours : les parents ont peur que sur le chemin de l’école, ils soient pris dans des fusillades. Plusieurs centaines de morts dans la population sont à déplorer dans la zone entre Pont Sondé, Saint Marc, Petite rivière de l’Artibonite et les villages environnants, sous la coupe des gangs.
Les enfants sont toujours impeccables dans leur uniforme rose, mais depuis des années, plus aucun rire ou sourire sur leur visage. Ils vivent dans l’angoisse, et comme des centaines de milliers d’enfants du pays, ils ont faim en permanence. Ils n’ont pas d’enfance. C’est un terrible sentiment d’horreur et d’impuissance qui nous étreint, quand nous recevons des nouvelles chaque semaine.
Wista Cerfrère, la directrice, et les professeurs, qui eux aussi prennent de gros risques pour venir au travail, nous disent leur quotidien fait de peur et d’incertitude. Ils sont aussi dans la misère avec leurs familles.
Wista nous dit, dans sa dernière lettre, que la voiture blindée de la police, qui était stationnée à Verrettes, est déplacée sur une autre commune. Les habitants ont peur désormais que les gangs attaquent la petite ville pour étendre encore leur territoire et piller ce qui reste debout et chassant les habitants.
Nous continuons à assurer l’entretien des locaux,les réparations, les salaires des professeurs, les uniformes, et la cantine, qui a bien du mal à joindre les deux bouts.
L’Ambassade de France a promis, comme chaque année, de livrer des denrées de base : riz, haricots, maïs, achetés directement aux coopératives de l’Artibonite ; mais rien n’a encore été livré cette année, malgré la confirmation des services de l’Ambassade. Les transports sont souvent pillés et les chauffeurs prennent de gros risques, ils doivent payer des rançons exorbitantes aux gangs qui tiennent les routes.
Aller faire les provisions sur les marchés est aussi très risqué. A pont Sondé, ville carrefour de l’Artibonite, les gangs ont tiré sur la population il y a quelques semaines, , en représailles de refus de payer les rançons, faisant plus de 100 morts et de nombreux blessés.
De même, les enfants ont droit à une petite bouteille de lait chaque jour grâce à la collaboration de Vétérimed et de l’Ambassade de France. Mais tout cela ne représente pas le minimum pour que les enfants aient des apports suffisants en calories chaque jour. Ils n’ont souvent rien à la maison. Leur vie future est hypothéquée.
Notre directrice est malade, mais comme 90% des Haïtiens, il n’y a pas de possibilité de se faire soigner. 80% des hôpitaux et centres de soins travaillent au ralenti, faute de médicaments et de personnels qui ne peuvent rejoindre leur lieu de travail. D’ailleurs, ces hôpitaux ne peuvent pas les payer faute de moyens. Beaucoup ont fermé leurs portes, même parmi les plus grands centres, qui ont été attaqués et pillés.
De même, les paysans de cette zone de rizières voient leurs biens pillés, ne peuvent plus transporter leurs récoltes. beaucoup ont dû quitter leurs terres pour sauver leur vie.
Dans le quartier de Belair, près du centre de port au Prince, la grande école construite par l’Unicef et dont nous avions construit les bureaux et les cuisines, (1500 élèves) qui était aidée par l’association Timoun Restaveks, est désormais dans un quartier entièrement sous le contrôle des gangs, beaucoup de maisons ont été brûlées, et personne ne peut plus y aller. Des fusillades entre gangs et entre gangs et policiers ont lieu fréquemment, terrorisant la population. Beaucoup de familles ont fui et se retrouvent dans la rue sans rien. 750000 personnes sont ainsi déplacées dans les zones les plus dangereuses du pays.
Seuls les parrainages et aides de nos chers donateurs nous permettent de tenir encore, car les expositions de tableaux et artisanat , faute de pouvoir faire de nouveaux achats, sont presque taries désormais.
Jusqu’à quand ?