Chronique Ecole Massawist.
La construction de l’école. Suite.
Jeudi28, vendredi 29 : retour à Verrettes. Le temps se resserre, il faut bien remplir l’emploi du temps. Le voyage se passe très bien, pas trop de circulation. J’aime bien conduire le jour. Beau ciel bleu, mais la chaleur est intense et plus on va vers l’Artibonite, plus le ciel se couvre à partir de 14 heures, avec de gros cumulo-nimbus qui annoncent de gros orages. L’impression ne se démentira pas…
Sur la routes, nous nous arrêtons à Cabaret : le grand marché qui s’étale au bord de la route regorge de fruits de saison ; mangues délicieuses, melons d’eau, pastèques, ananas, abricots (gros fruits bruns de la taille d’un melon dont la chair est croquante), fruits de la passion (grenadias), avocats, petites bananes figues… une pleine brouette, mais il y a régulièrement autour de 20 personnes à table.
Moment de convivialité autour de la table. Wista et les quatre cuisinières ont beaucoup de travail, mais les jeunes mettent la main à la pâte.
Il y a des fruits aussi bien au déjeuner du matin, qu’à la pose de 10 heures, au repas de 13 heures et à celui du soir. Les 4 cuisinières ont beaucoup de travail. C’est toute une habitude de négocier les prix raisonnablement, pour que les marchandes gagnent leur vie et qu’elles n’exagèrent pas trop les prix. Quand on les connaît, c’est une sorte de jeu.
Entre la heures de travail, il y a beaucoup de petites tâches quotidiennes. Et parfois de petites séquences de repos, car, avec la chaleur qui avoisine parfois 40° à 45°, sur la dalle, le travail est harassant.
Le travail a beaucoup avancé. Les volontaires s‘activent, s’entendent bien et résistent étonnamment à la chaleur terrible de la mi-journée. Les filles, comme les garçons, montent les seaux de ciment, découpent la ferraille, fabriquent les étriers, les nouent aux fers, apportent l’eau, avec entrain et bonne humeur, malgré la fatigue qui commence à se ressentir au bout de deux semaines.
L’entente avec les ouvriers haïtiens et le boss est très bonne. Je ferai des pages en images un peu plus tard, ils m’enverront leurs photos. Deux filles ont des beaux appareils et mitraillent.
Quelques images du chantier en cours. Le premier étage sera terminé par le second groupe...il faudra couler une immense dalle ! Mais tous sont déterminés à finir le chantier.
Tous les soirs, à partir de 4 ou 5 heures, se déclenchent de gros orages qui inondent la cour en quelques minutes ? Et ce jeudi soir, nous aurons droit à une vraie tempête, qui arrache les bâches, et la cour de l’école devient un lac. Mais l’équipe est rôdée et patauge tranquillement. J’ai un peu peur qu’il y ait des éboulis sur les routes, ou des arbres tombés qui retardent notre départ. Mais tout se passera bien. Vers 18 heures 19 heures, le ciel se dégage, et devient limpide avec ses myriades d’étoiles. La pluie est une bénédiction pour les paysans de l’Artibonite. Après des semaines de sècheresse, ils peuvent enfin espérer une récolte correcte. Beaucoup de petits lopins de terre sont loués et si la récolte n’est pas au rendez-vous, c’est un drame pour les familles. Nous avons dû en aider quelques-unes, en mai, qui n’avaient absolument plus rien à manger. Mais les pluies peuvent aussi être destructrices. Les terres tropicales sont fragiles et les aléas climatiques sont toujours à prendre en compte.
Quand les volontaires sont arrivés, le premier étage était fait, couvert d’une dalle de 140 m² environ. Le travail consistait à construire les deux salles de classe au premier étage, la galerie, et quelques pièces pour le futur appartement de la directrice qui quittera les petites pièces du bas où elle vit actuellement, ces pièces deviendront des salles de travail, bibliothèque, réserve. Mais il faudra de la patience car il faut trouver les sous.
Les murs ont bien monté, et au dernier jour de travail de ce groupe, nous attaquons les coffrages au-dessus des fenêtres, et une partie de la couronne qui ceindra ce premier étage. Cela veut dite des centaines de seaux de bétons qui sont montés à la chaîne jusqu’au premier, avec une échelle. Un ouvriers, aidé parfois par l’un des volontaires, fait le béton en bas : il faut le ravitailler avec du sable, du ciment et du gravier et les voyages à la brouette sont nombreux. Ensuite, quelqu’un remplit les seaux, (par trop, car c’est très lourd) et la chaîne humaine achemine ces seaux jusqu’à l’équipe de deux maçons qui remplit les coffrages. Les seaux vides sont jetés du haut et quelqu’un en bas est chargé de les rattraper. Pendant ce temps, deux autres maçons, dont le boss, fabriquent les coffrages suivants. Pendant ces deux jours, j’ai un peu testé tous les postes : sur l’échelle pour passer les seaux, remplir les seaux de ciment, apporter les seaux d’eau, manier la brouette pour le sable ou le gravier, à la fin de la chaîne pour monter le seau au boss, qui, perché sur un échafaudage, rempli les coffrages. C’est ce dernier poste qui est le plus dur, il faut une technique. Mais c’est vraiment sympa de partager le travail et les efforts avec les autres. Mais tout est difficile et j’admire les filles font ces efforts sans rechigner. Ils pourront tous être fiers de leur travail. Ils auront transporté et monté à l’étage 2200 parpaings de 7 kilos, 1500 seaux de béton, fabriqué et noué près de 800 étriers, etc.
Le second groupe, qui arrivera le samedi 13 août, terminera les coffrages et fera la dalle de béton qui couvrira le premier étage ! Ce sera un énorme travail la dernière journée, mais avant il y aura des centaines de fers à façonner pour les étriers, les nouer aux fers avec du fil de fer, à la tenaille, pour armer le béton. Ce sera dur aussi. Il faudra poser les étais pour le coffrage en isorelle de la dalle… Le dernier jour, nous avons embauché 23 ouvriers supplémentaires, car il faut aller vite, loué une machine à ciment, loué les isorelles, commandé le ciment, le sable et les graviers…acheté les planches…il faut penser à tout, mais nous avons l’habitude, avec tant de maisons construite pendant ces années d’activités. Le travail du second groupe est intéressant, d’autant qu’il y a trois volontaires qui travaillent dans le génie civil ou le bâtiment. (Mais ils sont cadres et ne transportent pas les blocs…)
Je ne serai pas là avec le second groupe. Je dois faire les festival du bout du monde avec l’Association « l’Ot’ Mer » ( anciennement Quimper Antilles) notre partenaire. Le trois j’arrive en France et le 4 très tôt, je pars à Crozon pour attaque le travail aussitôt. Nous sommes une quinzaine à tenir ce restaurant qui assure les repas pour les festivaliers (cuisine créole)…ou tout au moins une partie des festivaliers…car ils sont 75000 chaque année : ce sont des centaines de repas, boissons, cafés… servis durant ces trois jours. L’an dernier, j’étais reparti en Haïti pour recevoir le second groupe, mais cette fois, mes finances sont trop basses, et comme nous payons nos voyages et nos frais de séjour, ce ne sera pas possible. (le groupe 2 arrive le 13 août et repart les 7 septembre..). Mais Ostene, Wista, la directrice, et Jérémie se débrouilleront très bien. Avec l’expérience, le groupe est autonome.
Nous avons fait un tour de table avec les volontaires, laissant parler chacun de son ressenti à la fin de ce séjour. C’était très intéressant (et chacun s’est exprimé avec sincérité , sur ce qu’apporte une telle expérience. Tous ces garçons et ces filles , parfois pour une première expérience, parfois pour leur troisième ou quatrième campagne, ont exprimé quelque chose de profond, parfois émouvant, sur cette découverte d’un pays, d’une population, de son mode de vie, de sa culture, et tous ont ressenti à quel point le fait de se retrouver ensemble, dans l’action, les avait enrichis. J’ai ressenti beaucoup d’humanité dans ces propos, quelque chose qui lie les êtres et, enrichit leur conscience des injustices de ce monde, et de la nécessité d’agir. Je sur persuadé que ces instants d’échange, comme l’expérience de ce séjour restera en chacun comme un moment fort et partagé, partagé aussi avec les ouvriers, et tous ceux qui ont participé. Même si je viens ici depuis plus de 20 ans, j’ai toujours la même émotion, la même envie de changer quelque chose, la même conscience de la nécessité pour chacun d’apporter sa contribution, de développer sa conscience, et je crois qu’elle a été partagée par tous. Et je crois que cela apporte quelque chose d’indicible qui doit un peu ressembler au bonheur de partage l’humanité qui est en chacun de nous, si différent que soyons.
Je suis revenu seul de Verrettes, le vendredi soir, laissant Ostene sur place pour aider au départ des volontaires le samedi matin. Il est prudent de faire les 3heures 30 de route le jour, et il est mieux d’éviter la pluie…la voiture d’Ostene a 20 ans, et pas d’essuie glace de temps en temps. Quand il pleut ça fait une buée d’enfer et on ne voit plus rien. Je n’ai pas eu de pluie, et je suis arrivé la nuit, mais je commence à connaître les pièges de la route.
Les maçons continueront un peu le travail de coffrage, durant l’espace entre les deux groupes, pour avancer, car dans le contrat, il y avait du travail le samedi. Ils rattraperont donc ces deux jours, car il était important que les ouvriers aient les mêmes pauses que les volontaires, car ce sont des moments partagés. Nous avons calculé qu’il sera possible de faire la dalle durant le second séjour ; financièrement et techniquement. Ce sera juste, comme l’an dernier. Nous avons fait las comptes avec les jeunes, l’équipe Enfants-Soleil Haïti, la direction de l’école. L’Association devra apporter une grosse somme, car les matériaux sont devenus très chers, mais nous y arriverons. Ce sera une belle école. Il manquera pas mal de travail et de sous : pour les crépis, les peintures, les dalles au sol, l’aménagement…les sécurisations des fenêtres et les portes… tout cela se fera petit à petit. Et si l’aide du gouvernement arrive effectivement (pas certain…) ce sera plus facile.
Un grand merci aussi aux cuisinières qui ont fait, dans des conditions difficiles, un très bon travail. La cuisine est en très mauvais état, les murs ont de larges failles depuis le séisme, et la chaleur y est insupportable. Il faudra un jour la refaire ! Ici, ce n’est jamais fini !
Au moment où je poste cette chronique,(fin août) la bonne nouvelle est que la cuisine a été entièrement refaite durant la quinzaine qui sépare le départ du groupe 1 et l’arrivée du groupe 2. Ça marche !
Durant les travaux, les activités de préparation de la rentrée continuent. Enfants-Soleil fournit aux parents le tissu pour les uniformes. La distribution se fait en août, les parents auront le temps de faire coudre les uniformes. Avant, il y avait beaucoup de couturières et de tailleurs en Haïti ; désormais elles ont du mal à trouver du travail, à cause des importations massives d’habits "pépé" c’est à dire d’occasion. Ce sont souvent des associations américaines qui réalisent ces importations. les ballots d’habits sont vendus aux marchandes 200 dollars. Elles ne savent pas ce qu’ils contiennent. Cette pratique a détruit beaucoup d’emplois dans le pays.