Pluie, pas pluie…
Dans la campagne, en Artibonite, dans le Haut Artibonite surtout, la pluie se fait attendre. D’ordinaire, elle arrivait en mars, régulièrement. Effet du réchauffement ou pas, les paysans ne peuvent plus compter, depuis plusieurs années, sur des précipitations régulières.
Le fleuve vu du village de Petite Rivière de l’Artibonite. il est presque à sec, toutes ses eaux sont dérivées vers le canal. En période de crue, ses eaux peuvent dépasser 8 mètres de hauteur.
Cette année, nous sommes le 6 avril, et certaines régions n’ont reçu aucune goutte, alors que d’autres comme le Nord (Cap Haïtien) ont connu des inondations. Les paysans, qui n’ont que de très petits lopins de terre, le plus souvent loués, ne peuvent planter, et les récoltes en route sont souvent perdues définitivement. La traversée de l’Artibonite est trompeuse, les champs irrigués sont bien verts, mais un peu plus loin, quand il n’y a pas l’irrigation, c’est la désolation. Surtout dans la zone du Haut Artibonite, un ensemble de collines assez pentues, là où l’eau est rare.
Un petit canal d’irrigation. Le riz, cultivé une grande partie de l’année est très gourmand en eau.
Le fleuve Artibonite sert à alimenter un canal principal, qui alimente lui-même des petits canaux très anciens (ils datent de la période de Dumarsais Estimé, président originaire de ce département…c’était après la seconde guerre mondiale.
Cela se répercute directement sur la sécurité alimentaire. Il n’est pas possible pour les paysans les plus pauvres, et c’est la majorité, d’acheter des provisions, qui sont devenues trop chères (le sac de riz américain est passé de 800 gourdes il y a quelques années, à 1400 gourdes , le riz haïtien est encore plus cher : 1600 gourdes ou plus) , il en est de même pour la plupart des produits alimentaires de base, y compris les produits de l’agriculture. Les intrans, produits pour l’agriculture ,(pesticides, engrais…) ont aussi énormément augmenté. Les causes : les problèmes de douanes, dont plusieurs sont fermées pour certains produits importés, mais surtout, les importateurs qui profitent de tout pour gagner plus. Le petit peuple en subit directement les conséquences. Les périodes d’incertitude politique sont propices à de tels débordements.
Nous avons été obligés d’aider des familles qui ne peuvent plus se nourrir, pour qu’elles puissent acheter un sac de riz ,un peu d’huile et quelques produits essentiels. Les conséquences, aussi, sont que les enfants ne peuvent plus aller à l’école, (elles sont privées et renvoient les enfants qui ne payent pas...), que les paysans ne peuvent plus payer les locations… ce qui peut être dramatique pour nombre d’entre eux, contraints de s’endetter à des taux usuraires (parfois 100%, hors des organismes spécialisés) et de tout perdre, ou de laisser leur champ.
Le fleuve, vu du Côté de Verrettes. Les deux villages sont situés de part et d’autre du fleuve qui traverse toute la plaine jusqu’à l’océan, à l’ouest.
Certains, qui sont propriétaires de leur champ, en vendent une partie pour pouvoir continuer à nourrir les familles, ou payer l’école des enfants. Le petit monde agricole est fragile et dans les mains des propriétaires. Et cela est de plus en plus fréquent, pour ceux qui ne bénéficient pas de terres irriguées, beaucoup plus chères à louer et quasiment impossibles à trouver.
Le manque de àpluie a aussi des conséquences dans les zones urbaines : les citernes particulières, qui récupèrent les eaux de pluie, sont vides et il faut acheter des camions d’eau, à 3000 gourdes les 6m3. C’est non seulement trop cher pour les plus démunis, mais les entreprises pompent jour et nuit les nappes phréatiques de la plaine (pour ravitailler Port au Prince) et sont en train de vider la nappe, toute immense qu’elle soit... des dépressions font venir l’eau salée du lac saumâtre dans cette nappe. C’est une épée de Damoclès pour l’avenir de la ville.
Alors, il faut attendre que les nuages arrivent. Nous le souhaitons. De nombreuses régions du monde sont touchées par ces dérèglements climatiques, il est temps, plus que temps, de réagir, et ce n’est pas seulement aux politiques de prendre la situation en main, (on pourrait attendre longtemps !), c’est à chacun de nous.
Depuis la création de l’association, nous lions étroitement Solidarité internationale et Environnement, de plus en plus, ces engagements doivent être liés en un même effort et partagés à tous les niveaux et dans tous les lieux de la planète. Changer nos habitudes de consommer, de vivre, de produire. Considérer l’eau comme un bien de l’humanité, cesser de piller la terre pour le profit de quelques-uns, et pour cesser la course folle vers un « progrès » qui est tout simplement un suicide à moyen terme.