Reportages. Par Stéphanie Barzasi, journaliste.

(actualisé le ) par christian

Reportages. Par Stéphanie Barzasi, journaliste.

Stéphanie Barzasi avec les petites Stéphanie et Georgeline, toutes deux parrainées.

Stéphanie Barzasi, une jeune journaliste de « Convergence », a effectué en Mars 2012, accompagnée du photographe David Paul Caar, un séjour en Haïti, , où elle a rencontré les partenaires locaux de l’Association Enfants-Soleil. Elle a bien voulu écrire, pour notre site, ces deux articles. Nous l’en remercions. Nous avons apprécié l’esprit dans lequel elle a effectué ce séjour : sortir des sentiers battus et rencontrer la population haïtienne, pour faire part de leurs difficultés et de leurs espoirs. Son objectif principal était de rencontrer en priorité le monde rural. Elle a eu aussi le temps de rencontrer les responsables de l’école Massawist de Verrettes (Artibonite), et quelques femmes qui bénéficient des Micro-crédits Enfants-soleil.

 

(Note d’Enfants-Soleil : 1 dollar haïtien = 5 gourdes = 10 centimes d’€. Le dollar Haïtien, très utilisé, n’existe pas officiellement, et ne correspond à aucun billet ou pièce, il date du temps où la monnaie Haïtienne était à parité avec le dollar US…l’époque de l’occupation Américaine, 1917-1935)

 

L’école Massawist de Verrette

Ecole Massawist, à Verrette, dans le département de l’Artibonite, en fin de matinée. Les petites sections, après quelques chansons, sortent avant toutes les autres. Longue agitation récréative avant de décider de s’asseoir pour attendre que les mamans ou grandes soeurs ne viennent les chercher, ou de rentrer chez eux, pour les plus grands. Restent les enfants qui attendent le repas de la cantine, y compris quelques uns qui savent pourtant très bien que ce n’est pas leur tour. Une place se libèrera peut-être... Dans la plus grande classe, les cuisinières s’affairent aidées de quelques élèves parmi les plus grands. Les portions de chaque enfant sont versées dans des assiettes ou des bols en inox, selon la taille de l’enfant. Aujourd’hui, un potage épais est servi, du sopion, une soupe de riz aux giromons (sortes de courgettes), avec des carottes. Les écuelles sont servies une à une et posées sur les bancs des pupitres par des élèves. Quelques retardataires qui n’ont pas encore fini de recopier le tableau se dépêchent alors que tout le monde défile devant et les empêche de voir. En haut, en bas, sur le côté, la gymnastique de la copie. A la chaîne, les assiettes passent de mains en mains jusqu’à atteindre les bancs du fond. Ceux qui ne trouvent pas de place sortent à la recherche d’un autre bout de banc dans une autre salle de classe, leur assiette à la main en veillant avec vigilance à ne rien renverser.

Au moins un repas par jour
L’école Massawist de Verrette a été fondée à l’initiative de sa directrice Marie Wista Cerfrère en septembre 2004, avec l’aide d’Enfants Soleil Haïti. Il y a 217 élèves répartis en 7 classes du préscolaire à la sixième année fondamentale. Parmi eux, 63 enfants sont parrainés par des familles françaises. Grâce à cela, ils peuvent manger chaque jour à la cantine. Pour les autres, un roulement est organisé par groupes de 90 afin que chaque enfant mange au moins une fois à la cantine dans la semaine. « C’est dur parce que parfois les autres enfants ne veulent pas quitter quand ils voient que les autres s’installent pour le repas, déplore Marie Wista. Pour beaucoup, c’est le seul repas de la journée. Or il est indispensable que chaque enfant ait un repas régulièrement pour bien apprendre et bien se développer. Mais nous n’avons pas assez de moyens. Nous avons demandé l’aide du PAM, mais n’avons pas encore de réponse. Enfants-Soleil nous aide pour le fonctionnement, mais ce n’est pas assez pour tout le monde. Il y a peu de temps, une petite fille a fait un malaise par manque de nourriture. Nous lui avons donné un peu à manger et l’avons ramenée chez elle. Souvent c’est très dur de voir ce manque de moyens : il nous faudrait l’eau, l’électricité, pour pouvoir avoir accès un jour à internet, mais pour le moment, ce n’est pas possible. »

Le micro-crédit, une nouvelle initiative d’Enfants-Soleil

Sur les marchés de Port-au-Prince, la vie bat son plein. Les petits commerces de trottoirs sont partout. A Pétionville à 8h du matin, les rues sont d’une densité folle. Bousculade, circulation encombrée des vendeurs ambulants qui se faufilent dans la foule. Des femmes, en grande majorité, leur panier niché sur la tête rempli à plein de produits alimentaires souvent achetés le matin même, à Kerskof, un peu plus au nord de la ville, ou Arcahaie. Chaque jour les petits marchands de légumes s’y rendent tôt le matin, achètent en fonction de leurs moyens, chargent et redescendent à Pétion pour écouler leur marchandise, comme cette vieille dame sans âge qui vend son menu stock de petits oignons. Certains viennent de leur campagne, plus loin, à pied ou en tap-tap, et restent deux ou trois jours en ville, le temps d’écouler leur menus produits. Seulement alors ils retournent chez eux avant de revenir dès qu’ils ont à nouveau de quoi vendre. Un manège qui ne connaît pas de répit. Le petit commerce est le seul moyen de subsistance envisageable pour une grande majorité de gens qui n’ont souvent reçu aucune éducation. Les bénéfices sont bien minces et une fois la marchandise écoulée, il est à peine possible de se nourrir ou de toute façon d’en racheter une autre pour continuer.

Saradienne, elle, s’en sort plutôt bien. A 22 ans, elle a la chance de bénéficier d’un micro-crédit gratuit de l’association Enfants-Soleil pour faire tourner un petit commerce d’alimentation. Elle était déjà commerçante avant le séisme, mais ayant tout perdu, elle n’a plus pu continuer. Elle redémarre aujourd’hui. Quand elle peut, les lundi ou les jeudi, elle se rend à Malpasse, près de la frontière Dominicaine. Elle achète là tous les produits, dominicains, de son commerce : des spaghettis, des jus de fruits, du ketchup, de la mayonnaise... Elle s’y rend en tap-tap. Ca lui coûte 10 gourdes pour sortir de Carrefour, dans la banlieue de Port-au-Prince, où elle habite, puis 30 dollars haïtiens pour aller à Malpasse. En partant à 5h du matin, elle arrive autour de 10h. Elle achète alors pour 1500 dollars haïtiens. Pour revenir, même scénario, 30 dollars plus dix gourdes et les embouteillages en plus. Ensuite, elle vend, devant chez elle. Elle estime qu’en deux ou trois semaines, elle arrive à dégager un bénéfice de 250 dollars haïtiens environ.

Les familles dépendent du microcrédit
A Verrette, dans le département de l’Artibonite, l’association Enfants-Soleil développe également ce système de micro-crédit auprès de neuf familles choisies en raison de leurs difficultés et dont les enfants fréquentent l’école Massawist, également montée grâce à Enfants-Soleil. L’association leur a donné un capital de 1440 dollars haïtien. De leur empreinte, elles ont chacune signé une reconnaissance de dette et tentent depuis de faire démarrer leur petite affaire. « Avec le microcrédit, nous sommes moins angoissées. Nous ne sommes plus là à réfléchir à chaque instant à la façon dont nous allons nous y prendre pour nourrir les enfants. Aujourd’hui, on s’active ! », explique Anne-Marie Pierre-Louis. « Moi, je vais à Pontsondé. J’y achète de la farine, du sucre, du détergent, du beurre, des tomates, du savon... pour faire mon petit commerce. Je peux payer mon transport et la nourriture de mes enfants. Mais, je vends tout sur place. Je ne reviens pas ici avec les marchandises. Parce que ici, je serais obligée de vendre à crédit aux gens que je connais qui n’ont pas d’argent », présente à son tour Narilia Norcius. Une autre, marchande de « quincaille » (cantines, cuvettes, paniers et autres), commence timidement. Mais elle a bon espoir que ça démarre vraiment. Une autre dame a acheté des semences et des cochons avec une partie du capital. Elle cultive en plus du commerce et vendra sa production.
Régulièrement, Marie Wista Cerfrère, la directrice de l’école Massawist reprend leurs cahiers de comptabilité pour vérifier leurs comptes. Les marchandes ne savent pas écrire et se débrouillent comme elles peuvent pour le tenir à jour. « Nous faisons un peu de bénéfices, explique Gracieuse Dénéus, mais nous devons tout utiliser au jour le jour pour nourrir les enfants. » Si mari il y a, bien souvent, il est défaillant. Toute leur famille dépend aujourd’hui du microcrédit.