Bilan de quelques micro-crédits

par Gérard

Les quelques exemples ci-dessous donnent une idée de l’utilité et aussi des difficultés à trouver une activité génératrice de revenus, quand on est une femme, parmi les plus démunies, dans un pays très pauvre où le chômage est très important.

Micro-crédits

Nos micro-crédits sont des prêts sans intérêt. Ils courent sur deux ans renouvelables. Ils sont d’abord consentis pour aider les femmes (seules avec des enfants) à sortir de la misère et à apprendre à gérer leurs activités. Ils sont d’un montant de 150 € en moyenne, car les tout petits prêts ne permettent généralement pas de démarrer un commerce ou autre activité avec quelque chance de réussir.

Dans les villes, les choses semblent un peu plus faciles, dans les petites agglomérations de province, il y a autant de pauvreté mais les débouchés sont encore plus difficiles. Les femmes sont pour la plupart illettrées et ont beaucoup de difficultés à gérer. Ce sont souvent les enfants les plus grands qui les aident. Les femmes sont souvent des paysannes qui n’avaient jusque-là que peu de responsabilités quant au revenu du ménage. En se retrouvant seules, elles doivent subvenir aux dépenses de la famille et sont souvent perdues. Malgré leur courage, elles restent vulnérables. Il faut s’occuper des enfants, aller au travail, gérer leur petit commerce. (de très longues heures sur les marchés), s’occuper des petits jardins, faire les achats judicieusement : quantité, qualité, prix…Elles sont souvent mal placées pour obtenir des prix intéressants, en tant que femme et en tant que débutantes dans le petit commerce. Les grossistes en profitent souvent. Il faudrait une structure qui effectuerait les achats en gros, permettrait d’entreposer les marchandises en sécurité, et les aide journellement à faire leurs comptes ou même à choisir leurs activités. Ce n’est guère possible. Il y a donc quelques errements et des erreurs.

Gracieuse Dénéus.
Elle a monté un petit commerce d’articles ménagers, sur le marché de Verrettes, les mercredi et samedi. Une place sur ce marché est payante : 250 dollars haïtiens par an. Ce n’est pas beaucoup, mais les bénéfices sont minces car beaucoup de femmes font vivre leur famille avec les petits commerces. Le reste du temps elle a un autre petit commerce : le stockage de grains. Elle achète ces produits directement aux petits paysans ( maïs, petit mil, riz, pois ) à la récolte, quand il y a beaucoup d’offres et que les prix sont bas et les revend quelques mois plus tard, hors récoltes, avec un peu de bénéfices.Mais il faut les stocker et il y a des risques de vol.
Avec cela elle peut envoyer à l’école ses trois enfants. Deux sont parrainés, l’un est à l’université : Garinsha.( Il étudie l’odontologie mais les études sont très chères.) et Ancinor, 12 ans, scolarisé à Verrettes.
Gracieuse vit dans un petit logement de deux pièces, très propre à Verrettes.

A gauche : Ostene avec Gracieuse ( à droite). 2 Quelques-unes des femmes bénéficiant de micro-crédits lors d’une réunion. 3 Hermosa Méronville
Victor Wisline ( maman de Dieuluxon et Dieufta).

Elle a monté un petit commerce de produits cosmétiques. Elle vend aussi des pois avec le même système que Gracieuse (achat aux paysans et revente quand les prix sont plus intéressants). Sa troisième activité est le « gardiennage » de cochons qu’elle engraisse pour les revendre ensuite, avec de la paille de riz, du son de blé qu’elle achète chez les paysans, elle élève aussi quelques poules. Avec tout cela, elle arrive à s’en sortir. Elle attend que ses cochons fassent des petits.
Elle a eu un problème car elle s’est fait voler une partie de ses stocks en 2012. Elle a beaucoup de mal à calculer ses gains et à noter ses dépenses.

Nasilia Norcius.
Elle a monté un petit commerce de produits alimentaires et de produits de consommation courante comme des allumettes, qu’elle revend sur le marché à Verrettes et dans les environs. Elle allait avant jusqu’à Pont Sondé, à une vingtaine de kilomètres, mais avec les frais de déplacement, ce n’était pas très rentable. Elle vend maintenant devant sa maison les jours où il n’y a pas de marché.
Elle a aussi loué une petite terre pour faire un jardin, à quelques kilomètres de Verrettes, mais il n’y a pas eu de pluie et les récoltes ont été très maigres. Les petits jardins, non irrigués, dépendent beaucoup des caprices des saisons. Elle paie la location ( 2500 gourdes pour trois ans) quoi qu’il arrive et s’il n’y a pas de bonnes récoltes, elle perd de l’argent. L’eau de la rivière ou d’un canal est vraiment très loin de son jardin et il faut la transporter avec un seau. (les terrains irrigués sont inabordables.) Elle espère avoir une meilleure saison en 2013.

Clairciane Théligène. (Maman de Charistine Norcius)
L’an dernier elle avait commencé à vendre des poules qu’elle allait acheter à Pont Sondé ou à Saint Marc. Mais le transport est cher et trop de poules mourraient, dans le voyage. Les gens sont entassés dans le tap tap, et les poules fragiles ne le supportent pas. D’autre part, les femmes qui s’y connaissent mal, se font souvent tromper par les grossistes qui leur vendent des poules non vaccinées ou provenant d’élevages où il y a des poules malades. Elle n’arrivait pas à gagner sa vie avec ce commerce. Elle a ensuite changé d’activité.
Elle a continué en vendant du carburant au détail, en petits bidons, ou en bouteilles. Comme les gens sont pauvres, ils achètent leur essence en très petites quantités et ne peuvent pas aller à la pompe ; les petits vendeurs s’installent le long de la route avec leur stand et leurs bouteilles d’essence. Ce commerce rapporte peu, beaucoup de gens font la même chose quand ils n’ont rien pour vivre.
Clairciane a aussi acheté deux chèvres et loué un petit terrain qu’elle partage avec un autre locataire. L’homme travaille sur le terrain et ils partagent la récolte. Mais comme pour Nasilia, la sécheresse a sévi et elle a perdu de l’argent avec son terrain. Elle y a cultivé des pois (haricots) et des patates douces…mais les pois ont été malades cette année dans toute l’Artibonite, et il n’y a presque pas eu de récolte.
Elle va continuer son jardin cette année. Il lui reste deux ans de location payés.
Commencer une activité implique que l’on ait certaines compétences. Toutes les femmes ne les ont pas. Elles font des essais et parfois perdent une partie de leur capital.

Méronvil Hermosa. (Maman d’Andia Remah Aldéus)
Elle a choisi de vendre de la vaisselle et d’autres accessoires de cuisine. Certains produits sont achetés neufs, d’autres d’occasion. Elle achète ses produits à Saint Marc, à une trentaine de kilomètres de Verrettes , ( C’est la capitale économique du secteur). Elle travaille au marché de Déschapelles, non loin du collège Massawist. Elle s’y rend chaque jour. Elle est seule, les produits sont lourds et un peu encombrants, elle a donc des frais de transport. Elle ne fait pas beaucoup de bénéfices, mais a encore des stocks et cela ne va pas si mal. Sa petite fille, Andia, qui a 7 ans est parrainée et cela l’aide beaucoup pour l’école. Elle va à l’école Massawist.

Thercilia Clairia.
C’est la maman de trois enfants (Thercimène Cenaus, 11 ans, Léonie Cénaus 15 ans, et Wendeslor 5 ans) mais en fait il y a 4 jeunes enfants à la maison, avec, en plus, un demi-frère et une demi-sœur qui sont grands, mais continuent l’école. La maman vit seule. On imagine les difficultés pour nourrir cette grande famille.
La maman vend du kérozène pour lampes, très utilisé car il n’y a pratiquement pas d’électricité dans la ville de Verrettes ni dans les environs. Elle vend aussi des allumettes et autres produits de consommation courante.
Elle ne fait pas beaucoup de bénéfices mais peut améliorer le quotidien avec cette activité.

Thercilia travaille sur le marché de Désarmes, après Verrettes. Elle avait acheté un cochon qu’elle tentait d’engraisser mais il a été volé. Comme elle n’a pas d’espace pour le surveiller, il divaguait.
Elle a une autre activité : un petit jardin loué. Mais en plus de la mauvaise saison, les prix fluctuent sur le marché avec la spéculation.
Les plus pauvres ne peuvent pas attendre pour vendre leur récolte, ils vendent donc quand les prix sont au plus bas.

Daniela Monsigna.
C’est la maman de Oldine Joseph, qui est parrainée. Elle a trois enfants.
Elle a investi aussi dans la location d’un petit jardin où elle cultive des aubergines, du maïs, des pois… mais son jardin est loin du canal qui pourrait apporter de l’eau pour arroser, et, quand il y a de la sècheresse, les autres locataires de jardins, placés plus près du canal, dévient l’eau, et la rigole qui vient jusqu’à son jardin est tarie. Elle ne peut donc pas arroser.

Le petit canal court sur 1,5 kilomètres et il y a beaucoup de jardins le long de ce canal.
Daniela a aussi monté un petit commerce de produits alimentaires de première nécessité qu’elle achète aux paysans et revend sur le marché à Verrettes et Pont Sondé. Elle achète les surplus des quelques petits paysans de son secteur et les commercialise. (riz, pois, maïs, farine, épices…)

Elle vend aussi des boissons gazeuses, (tampico, sodas...) ou des petits sachets remplis d’eau, car dans les écoles il est rare qu’il y ait de l’eau potable distribuée aux enfants. Il faut alors une glacière et acheter de la glace chaque matin. Son commerce marche assez bien, car elle vend en même temps aux passants sur la route.
… Le problème est la période des vacances. Elle est obligée de trouver d’autres produits et d’autres lieux pour cette période. Pour ces mamans, il n’est pas question de prendre du repos.
Pour toutes ces femmes, les parrainages sont essentiels, car, malgré leur courage et les nombreuses heures qu’elles consacrent à leurs activités, elles ont beaucoup de mal, étant seules, à nourrir leur famille, envoyer les enfants à l’école. On comprend pourquoi la cantine et les parrainages sont si importants pour ces familles.