Une semaine en Haïti N° 1586

par Gérard

Violence et Kidnappings, meurtres , tout continue en s’aggravant.
La région centre (Artibonite) où se situe notre école à Verrettes, se trouve aussi touchée que les zones métropolitaines de la capitale.
Les paysans ne peuvent plus vendre leurs récoltes ou sont chassés de leurs terres, les écoles de nouveau en danger. Les examens n’ont pas pu avoir lieu.

TITRES DE LA SEMAINE
¤ Football féminin senior : Haïti est qualifiée pour la coupe du monde 2023 en Australie et Nouvelle Zélande

¤ Une véritable saignée de ressources humaines tentent de quitter Haïti…

¤ Nouvelles sanctions du Canada et des États-Unis contre 14 personnes dont un ancien président

¤ Violences des gangs : Les paysans dans l’Artibonite aux abois

L’Artibonite est le grenier à céréales d’Haïti. En particulier le riz le maïs les haricots qui constituent la nourriture de base pour le pays. Beaucoup de petits paysans n’ont que leur lopin de terre pour survivre. Ils en sont souvent chassés par les gangs qui n’hésitent pas à tuer. Les membres sont parfois très jeunes, embrigadés, ils se retrouvent obligés de tuer et donc de devenir à l’âge où l’on va à l’école, des assassins sanguinaires.
Tuer ou être tués, ils n’ont plus le choix. Ce sont les adultes, sans foi ni loi, qui sont responsables de ces désastres. Ils appartiennent à tous le milieux, la politique, la finance, les mafias.
Dans ce contexte, il est bien difficile de continuer à faire l’école, et accueillir sereinement des enfants qui doivent souvent venir de loin et traverser de zones où les gangs, la police, les gangs entre eux, s’entretuent et n’hésitent pas tirer sur la population lors des enlèvements (on ne les compte plus) ou du racket...
qui a lieu quotidiennement sur la marchés qui peuvent encore se tenir. Wista, la directrice de l’école de Verrettes a dû fermer temporairement l’école pour se réfugier à Saint Marc, où, nous dit-elle, la situation n’est guère meilleure et le danger présent à chaque instant de se retrouver dans une fusillade.
Elle nous dit vouloir retourner à Verrettes dès que la situation sera un peu plus calme. Les habitants font preuve d’un immense courage ; mettant leur vie en danger, mais combien de temps cela va-t-il pouvoir durer ?

On assiste actuellement à une ruée vers les centres de délivrance des passeports : là encore, violence et corruption sont de règle. Le plus nantis ou les plus forts passent devant, espérant quitter le pays, où peu de gens ont encore l’espoir d’un retour à la normale. Et beaucoup de ceux qui ont un semblant d’autorité ou de responsabilité s’enrichissent de cette détresse.
Pour lire les articles du Collectif Haïti de France : cliquez sur le lien.

Un article du Nouvelliste.
La détresse des paysans de l’Artibonite.

Nous remercions ce journal de continuer avec courage à informer le monde de la situation du pays, malgré les risques que cela comporte pour tous les médias indépendant.
Les organisations paysannes de l’Artibonite s’alarment des retombées négatives de l’insécurité chronique qui règne dans les différentes communes du département. Depuis plus de quatre ans, les régions les plus fertiles et les plus riches de l’économie agraire sont soumises à la loi des gangs, engendrant une décroissance étrange de la production nationale et la descente aux enfers pour plusieurs dizaines de milliers d’éleveurs et de cultivateurs. Au dire des représentants du secteur agricole, le grenier du pays est assiégé.
La vallée de l’Artibonite était déjà confrontée à des difficultés énormes en matière de production. « L’Ėtat n’apporte aucun soutien décisif aux paysans : les canaux et les drains ne sont pas souvent nettoyés, l’eau coule rarement, la question d’intrants n’est jamais réglée, l’engrais passe de 1000 à plus de 10 000 gourdes et aucun programme de crédit agricole n’est disponible », a noté Bien-Aimé Dieula, président du Rassemblement pour l’avancement des coopératives de productions appropriées et le bien-être alternatif (RACPABA), avant d’ajouter que « désormais les paysans ne peuvent plus travailler avec les exigences économiques imposées par les bandits, avant et pendant les récoltes ». Le RACPABA, réunissant des coopératives de six communes, s’est vu obligé, dès la genèse de l’insécurité, d’interrompre son programme d’accompagnement technique et financier aux agriculteurs, « qui permettait de doubler la production rizière TCS dans les années 2016 ».
Livrés à eux-mêmes, « les paysans n’ont point la possibilité de cultiver la terre. Aux problèmes courants de ressources naturelles et d’encadrement technique, s’ajoutent les actes criminels des gangs qui défient tout investissement économique et provoquent finalement l’insécurité alimentaire aiguë qui ravage les villes et les sections communales du département », de l’avis de madame Horace Bertude, la présidente de la Fédération des organisations de paysans planteurs et des entrepreneurs agricoles de la vallée de l’Artibonite. Elle se rend compte que « les paysans sont décapitalisés ». Dénonçant les autorités gouvernementales qui ne prennent pas leur responsabilité, madame Horace affirme que « le secteur agricole, exclu du système financier haïtien, est en voie de disparition ». Les méfaits du banditisme sont visibles, selon la militante, qui croit que « le problème de l’insécurité entrave l’agriculture et le problème de l’agriculture aggrave l’insécurité ». Elle dit par ailleurs constater que « de jeunes entrepreneurs agricoles abandonnent les métiers de la terre pour devenir des gangsters professionnels ».
Leader principal du mouvement Kore peyizan depatman Latibonit, Caliento Miraud voit dans le banditisme un coup fatal porté à la croissance économique de la paysannerie haïtienne. « C’est un complot maléfique, une conspiration cynique et une stratégie machiavélique contre la production paysanne », assume-t-il en pointant du doigt l’Etat haïtien et certains importateurs de riz. Monsieur Miraud explique que « la vallée de l’Artibonite, d’une étendue de 32 000 hectares de terre cultivables, produisait 85 000 tonnes métriques de riz en 2004, 100 000 tonnes en 2014 et 156 000 tonnes en 2018. Toutefois, une baisse de production s’annonce. Malheureusement, le banditisme a tout renversé ». Juriste, le leader de Kore peyizan invite les autorités judiciaires à « sauver l’agriculture locale en maitrisant les patrons économiques des gangs armés qui ne visent que le contrôle du marché alimentaire avec leurs produits de mauvaise qualité, arrivés de partout ». Le président du Noyau des coopératives de la vallée de l’Artibonite regrette que « les agriculteurs, à cause de l’insécurité, ne puissent même pas récolter les parcelles de terre qu’ils parviennent difficilement à travailler ».
Très impliquée dans le développement agricole, l’Organisation des femmes progressistes de Séguin, de la cinquième section communale de Saint-Marc, par la voix de sa présidente Coffy Joseph Françoise, dénonce « toutes les politiques déstabilisatrices orchestrées à des fins destructrices de l’agriculture paysanne à travers le pays », convaincue que « le phénomène du banditisme n’est pas isolé, mais planifié, s’inscrivant dans le cadre d’un projet commercial anti-national dont l’objectif est d’enterrer la production agricole ». Madame Coffy est scandalisée de réaliser que « le riz importé de la République dominicaine est offert jusqu’à 100 gourdes sur le marché local tandis que, vu le coût total du riz de l’Artibonite, il ne peut pas être vendu à moins de 135 gourdes ». La responsable de l’OFPS critique les membres du gouvernement central « qui se contentent de jouir du pouvoir et de s’enrichir au détriment du peuple sans se soucier, d’une manière ou d’une autre, des péripéties sécuritaires, sanitaires et alimentaires du peuple ».
Sollicitant le concours de la presse haïtienne dans la lutte paysanne pour la survie du secteur agricole, le président du Syndicat des planteurs victimes pour le développement de l’Artibonite (SPVDA), Charles René, veut attirer l’attention des autorités concernées sur « les moments extrêmement tragiques que traversent les paysans du département géographique le plus immense du pays », estimant que sur le dernier quinquennat, « la sécheresse, à elle seule, a causé annuellement des pertes de l’ordre de plusieurs milliards de gourdes dans la vallée, entrainant l’appauvrissement des paysans, incapables de produire à nouveau, voire de payer les bandits qui leur réclament d’importantes sommes d’argent ». Monsieur Charles souligne que « ce sont les communes les plus productrices de l’Artibonite qui sont les plus affectées par l’insécurité ». Il invite le gouvernement d’Ariel Henry à chercher de l’aide internationale pour résoudre le problème de l’insécurité et encadrer les organisations paysannes au lieu d’encourager les Haïtiens à fuir Haïti ».
« Violant, brûlant et tuant qui que ce soit, les bandits font ce qu’ils veulent, n’importe quand, n’importe comment et n’importe où dans l’Artibonite », lâche André Saint-Louis, le coordonnateur général du Réseau des organisations pour l’intégration des planteurs du bas Artibonite (ROIPBA), qui s’interroge sur « la passivité de nos dirigeants pendant que la population paysanne est condamnée à toutes sortes de calamités ». Il ajoute que « les enfants des planteurs n’ont plus accès à l’éducation, à la santé et au pain quotidien ». Avec les nouvelles conquêtes territoriales des gangs, le fondateur du ROIPBA avance que « ces chiffres continuent d’augmenter ». Déclarant, par ailleurs, « suspecte » la gestion « déséquilibrée » de l’eau du Péligre au profit de l’électrification des quartiers résidentiels de Port-au-Prince, monsieur Saint-Louis affirme que « tout ceci relève d’un plan macabre contre notre agriculture ».
La violence des gangs dans la vallée de l’Artibonite menace entre 25 à 30 000 emplois, alerte Aldago Dorisca
Intervenant à l’émission Panel Magik, vendredi 24 février 2023, l’agro économiste Aldago Dorisca a tiré la sonnette d’alarme sur la situation d’insécurité qui prévaut dans la vallée de l’Artibonite.
Les principaux groupes armés qui exercent leurs activités criminelles dans le département de l’Artibonite, dont les gangs « Grand grif » et « Kokorat san ras » les plus redoutables, continuent d’asseoir leur pouvoir sur de plus en plus de communes. Une situation qui pourrait causer la perte de plusieurs milliers d’emplois dans le secteur agricole, selon Aldago Dorisca.
« Quand on voit le secteur agricole, on voit la potentialité de production de produits alimentaires mais on voit également des gens qui y travaillent. Par exemple, la Fédération des associations d’Irrigant de la Vallée de l’Artibonite (FASIVAL) compte entre 25 à 30 mille producteurs qui travaillent et dépendent de ce secteur, ces emplois sont en passe d’être perdus » s’alarme le maître en économie des organisations.
« J’ai parlé à des responsables d’association et à des entrepreneurs, ils sont nombreux à abandonner la vallée de l’Artibonite en raison de l’insécurité », explique-t-il.
La vallée de l’Artibonite est de loin la plus grande zone de production agricole du pays avec ses 15 à 22 mille hectares de terre irrigués. Cependant, en raison de l’insécurité qui paralyse les activités agricoles dans cette région, le professeur à l’université, Aldago Dorisca craint que cette situation exacerbe encore plus l’insécurité alimentaire touchant déjà près de la moitié des ménages haïtiens.
« Il faudra attendre plusieurs années pour mesurer l’impact de ce qui se passe aujourd’hui dans la vallée de l’Artibonite. Dans une à deux années, nous allons voir à quel point cela va accentuer la misère et la pauvreté » alerte-t-il.
Par ailleurs, dans son intervention sur Magik 9, Aldago Dorisca a critiqué l’inaction des autorités en place face à cette insécurité qui touche la vallée de l’Artibonite, cette région stratégique pour l’économie du pays.

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